Je suis sensible au désespoir que suscite la désertification médicale. En 2011, j'ai répondu, pour mon territoire, à l'appel à projet relatif aux pôles d'excellence rurale. Le directeur de la maison de retraite du petit bourg de 1 200 habitants dans lequel je réside m'ayant annoncé que l'on n'aura bientôt plus de médecins, nous nous sommes mis autour de la table pour rechercher des solutions. Nous avons fusionné trois maisons de retraite, un ESAD, un foyer de vie opérant sur un territoire de 40 000 habitants. Nous sommes ainsi passés de cinq conseils d'administration et cinq directeurs, à un conseil de surveillance et un directeur, et avons répondu à l'appel à projet en constituant l'association Innovation Santé Autonomie, que j'ai présidée. Résultat, on a construit quatre maisons médicales pluriprofessionnelles sur un territoire de 40 000 habitants, toutes labellisées, deux grâce au fond de roulement de l'établissement public intercommunal de santé, outil de la loi Bachelot dont nous nous sommes saisis, deux avec la communauté de communes. Nous avons créé deux pôles de santé, aidé à créer une maison privée, certes non labellisée mais parfaitement équipée et ne restent plus à résoudre que certaines difficultés juridiques posées par une maison médicale remontant à 25 ou 30 ans.
Nous avons, dans le même temps, amélioré l'hospitalisation à domicile sur le territoire, fusionné des SIAD (Soins infirmiers à domicile), établi un plan de mobilité, mis en place le dossier médico-social unique (DMSU), avec le groupement de coopération sanitaire e-santé Picardie, si bien que les médecins sont informés des informations sanitaires touchant leurs patients - téléalarme, portage de repas, aide-ménagère, etc. Ce qui aide à organiser la sortie de l'hôpital dans de bonnes conditions.
Notre association Innovation Santé Autonomie, présidée par un médecin d'Amiens membre du conseil de l'Ordre qui a beaucoup oeuvré pour mettre ce système sur pied, regroupe 67 médecins et professionnels paramédicaux. Et cela marche bien : nous n'avons pas de difficulté pour faire venir des médecins et on nous demande déjà l'agrandissement d'une maison pluriprofessionnelle de santé que nous n'avons pas encore inaugurée. Bien sûr, il reste encore des problèmes, sur l'ambulatoire, le numérique et le sanitaire, mais vous voyez qu'ils sont déjà d'une autre nature que la préoccupation qui nous rassemble aujourd'hui. Preuve qu'il n'y a pas de fatalité, et qu'il est essentiel, au lieu de travailler en silo, chacun de son côté, que l'ARS, les élus et les médecins travaillent ensemble, de façon transversale.