Personne ici ne niera que la question qui nous occupe touche à l'aménagement du territoire. Jérôme Bignon nous a cité un exemple pour nous montrer que la décision revient aux élus, sur un territoire de dimension intercommunale.
Le constat a également été fait que de nombreuses mesures incitatives avaient échoué. Permettez-moi de citer mon expérience d'élu de la région Nord-Pas-de-Calais et membre de sa commission santé. C'est une région qui s'est voulue très incitative pour maintenir les médecins, généralistes et spécialistes, sur le territoire, en ouvrant des postes et des financements aux internes. Ces mesures n'ont que partiellement fonctionné, il faut le reconnaître. Nous avons même tenté, à l'époque, d'attirer des médecins en participant aux grands salons médicaux comme le Medec, pour y présenter la région, ses plateaux techniques et son projet médical de territoire, éléments essentiels pour attirer des médecins, notamment en milieu rural. Encore faut-il que les hôpitaux soient bien pourvus en médecins - le président du Conseil de l'Ordre a rappelé que 40 % des postes n'y sont pas pourvus.
L'échange entre les autorités décisionnaires de la santé et les élus compte aussi beaucoup. A l'époque où Xavier Bertrand était ministre de la santé, une possibilité avait été ouverte, dans la loi dite HPST, d'intégrer des élus à la commission exécutive des agences régionales d'hospitalisation. J'ai eu la chance de faire partie de cette commission, qui comprenait six élus, issus de tous les bancs politiques, pour décider du choix des matériels et de l'avenir des territoires concernés. C'est une expérience essentielle.
Il faut aussi revoir la question des études, et faciliter l'accès aux études médicales de ceux qui sont issus des territoires ruraux. La preuve est faite qu'un étudiant issu d'un territoire rural revient volontiers s'y installer. Mon père, qui a cessé son activité à 70 ans, a été remplacé par un jeune médecin issu de chez nous qui avait fait son stage de découverte professionnelle, en troisième, dans son cabinet. Nous l'avons parrainé, en l'aidant comme nous le pouvions, durant toutes ses études, et il est revenu s'installer chez nous.
Un mot, pour finir, sur les médecins étrangers. Au sein de mon cabinet médical, nous avons vécu une expérience formidable, d'ailleurs médiatisée à l'époque. Une jeune praticienne roumaine est venue s'installer parmi nous, et nous l'avons encadrée. Aujourd'hui, elle a une clientèle débordante, et elle est totalement intégrée au territoire.
Tout ceci pour dire que c'est davantage en combinant un ensemble de mesures qu'en ayant recours à la coercition que l'on ressourcera nos territoires. Étant entendu que l'on ne pourra d'emblée remplacer tous les médecins qui vont bientôt partir en retraite. Il y faudra un peu de temps, mais il faut agir sans tarder.
Il y a dix ans, j'avais proposé au président du conseil départemental de l'ordre des médecins - qui d'ailleurs reprochait à l'époque à l'élu local que j'étais d'avoir embauché un médecin roumain dans son cabinet - que l'on puisse s'appuyer sur les hôpitaux publics pour remettre le patient au coeur du projet médical. Mon idée était, à l'instar des bus qui se déplacent pour les dons du sang, de promouvoir une médecine itinérante - « foraine ? » m'avait-on répliqué à l'époque - en s'appuyant sur une structure publique. Un médecin généraliste, accompagné peut-être d'un infirmier, aurait ainsi pu aller passer quelques heures sur les places de village, pour assurer un premier accès aux soins.