La discussion l'a bien montré, la mesure unique, emblématique, qui résoudrait tous les problèmes n'existe pas. Le législateur a, évidemment, la responsabilité de légiférer, et l'Ordre n'entend nullement le contester, d'autant que nous sommes souvent associés à la réflexion.
Je rappelle quelques éléments fondamentaux. Nous formons, chaque année, 7 500 médecins, qui viennent remplacer des générations de 14 000 praticiens. Si bien que jusque dans les années 2025, nous resterons incapables d'assurer un remplacement pour un départ. Ce n'est qu'à cette date que nous en viendrons à remplacer des cohortes moins importantes, pouvant descendre jusqu'à 3 500 et que, sans toutefois augmenter le nombre des médecins, nous parviendrons à le stabiliser. Ajoutons que le temps des études médicales s'est considérablement allongé, en même temps que l'on a vu reculer le temps de la décision d'installation, qui ajoute cinq années supplémentaires. Le choix définitif d'installation est aujourd'hui opéré par des médecins de 35 ans, quand il l'était par des médecins de 25 ans, à l'époque où la médecine générale n'était pas encore devenue spécialité. Autant d'éléments dont il faut tenir compte dans le raisonnement.
Deuxième observation, c'est se tromper que ne parler que du quantitatif. On entend dire qu'il y a aujourd'hui 98 000 médecins généralistes en France. Non, il y a environ 80 000 médecins inscrits, dont seuls 60 000 sont en exercice. Ce qu'il faut envisager, ce n'est pas le nombre global, mais le nombre, par spécialité, de médecins en exercice. Négocier le virage ambulatoire, replacer les praticiens dans la proximité, soit, mais quand on regarde les cohortes de spécialistes en exercice, on s'aperçoit qu'elles n'y suffiront pas. Ce qui signifie qu'il y a une réflexion à mener sur l'exercice et l'obtention du diplôme, faute de quoi on continuera de se tromper, en s'imaginant que l'on dispose de 100 000 médecins généralistes. Sous trois ans, nous allons subir une hémorragie de généralistes. Nous tablons sur 12 000 demandes de qualification en médecine d'urgence, 8 000 demandes en médecine gériatrique, qui feront disparaître autant de professionnels, ainsi qualifiés en DES, de la cohorte des généralistes.
Troisième point, le numerus clausus régional ne résout pas le problème. Il affecte simplement le numerus clausus d'un indice d'adaptation aux besoins. Si l'on raisonne régionalement, ce n'est pas pour faire un examen régional, mais pour définir les besoins dans une région et les capacités de formation de l'Université. Si l'on impose à une université qui n'est pas capable de former plus de 9 000 étudiants chaque année d'en former 15 000, on va au devant de difficultés - comme on disait à l'époque où j'ai été formé, on fera des emboles de couloir, car nous étions alors 15 000 et ne pouvions accéder aux chambres des malades.
Dernière remarque enfin - et c'est ce qu'il ressort de positif de ce débat - nous ne gagnerons ce combat qu'ensemble : collectivités, professionnels de santé, usagers, gouvernance. C'est en analysant les besoins des territoires que nous gagnerons. En un mot, le système de formation doit cesser de former des internes pour les hôpitaux et en venir à former des médecins pour les territoires.