Intervention de Michel Forissier

Délégation sénatoriale aux entreprises — Réunion du 11 février 2015 : 1ère réunion
Présentation de la proposition de loi sur l'apprentissage par m. michel forissier

Photo de Michel ForissierMichel Forissier :

Depuis notre table ronde du 1er octobre, nous avions décidé de nous emparer du sujet de l'apprentissage qui aujourd'hui n'a pas trouvé sa juste place auprès des jeunes. Cette voie de formation initiale, qui permet à un jeune de moins de 26 ans de signer un contrat de travail en étant formé pour obtenir un diplôme professionnel, a même régressé de 11 % en deux ans. (264 580 en 2014 297 295 en 2012). La proposition de loi que nous vous présentons ce matin vise à développer l'apprentissage comme voie de réussite, pouvant aboutir à l'excellence : c'est la seule voie de formation qui semble pouvoir résorber efficacement le chômage des jeunes de moins de 25 ans, proche de 25 % dans notre pays, alors qu'il n'est que de 7 % en Allemagne.

Les freins, structurels, sont connus et ont été rappelés pendant les auditions auxquelles vous étiez nombreux à assister. Je remercie d'ailleurs ceux d'entre vous qui étaient présents, tout en excusant ceux qui n'ont pu, en raison des problématiques d'agenda, se joindre à moi. Ces freins, vous les connaissez :

les jeunes sont rarement incités à s'orienter vers cette formation, injustement présentée comme une voie de garage, par défaut, et donc peu valorisée par rapport au lycée professionnel ;

les formations et les diplômes sont déconnectés des réalités professionnelles, préparant mal les jeunes aux compétences dont ils vont avoir besoin pour réussir leur insertion professionnelle, et privant ainsi les entreprises de salariés formés correctement pour répondre à leurs attentes ;

la définition de la carte des formations est telle qu'elle prive les acteurs économiques de la liberté de créer des centres de formation, mêmes lorsqu'ils sont prêts à les financer entièrement ;

les contraintes administratives sont particulièrement lourdes et découragent les entrepreneurs d'embaucher des apprentis ;

enfin la situation des apprentis et maîtres d'apprentissage n'est pas suffisamment prise en compte et valorisée.

L'apprentissage doit désormais être perçu comme une « voie de réussite », pas comme une « voie de garage ». La présente proposition de loi vise donc à changer d'état d'esprit le système de l'apprentissage en France : une voie de formation initiale valorisée et organisée plus librement par les entreprises qui le souhaitent, des diplômes en adéquation avec les besoins des jeunes et des entreprises, une gouvernance plus claire et performante avec un pacte national et le pilotage renforcé de la région, et des procédures administratives simplifiées.

Compte tenu des critiques unanimes, recueillies lors des auditions, relatives aux changements incessants en matière d'aides et de mesures fiscales sans bilan préalable, notre texte ne propose pas une réforme des dispositions relatives au financement de l'apprentissage. En revanche, la Délégation aux entreprises pourrait commander rapidement une étude d'impact sur la simplification des aides, et sur la modulation des financements en fonction des efforts fournis pour développer l'apprentissage.

Cette proposition de loi constitue donc, à mon sens, une première étape qui vise à donner une nouvelle orientation à l'apprentissage et à changer les mentalités à l'égard de cette voie de formation. Une nouvelle étape ultérieure pourra inclure une réforme de son financement, en fonction des études éventuellement menées, ainsi qu'une réforme plus profonde des lycées professionnels qui pourraient, à terme, devenir des établissements régionaux, pilotés par des directeurs nommés par les régions, et dont les enseignants seraient des agents publics formés et rémunérés par l'État. Cela renforcerait la cohérence de l'offre de formation avec les CFA. Mais une telle piste nécessitera une réforme en profondeur du code de l'éducation et un changement des mentalités, que la présente proposition de loi souhaite amorcer.

Le texte qui vous a été distribué décline la stratégie de développement de l'apprentissage en six étapes, que je pourrai vous détailler brièvement. Je voudrais simplement attirer votre attention sur les mesures qui constituent une véritable « révolution » du cadre législatif de l'apprentissage :

- l'apprentissage vise désormais l'insertion professionnelle des apprentis, et plus seulement l'obtention d'un diplôme ;

- l'État, les régions, les chambres consulaires et les branches professionnelles s'engagent dans un pacte national pour l'apprentissage, qui ensuite est décliné dans tous les outils territoriaux de développement de la formation professionnelle et dans tous les objectifs assignés à l'Éducation nationale ;

- la région pilote désormais seule la carte des formations (en informant bien entendu le recteur) et le comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles -CREFOP (le préfet devenant vice-président). En outre, elle propose des noms pour le choix du chef d'établissement des lycées professionnels, elle a la responsabilité des CIO et coordonne l'action de l'inspection de l'apprentissage ;

- les personnes privées peuvent créer librement des CFA dès lors qu'ils sont financés exclusivement par des fonds privés. Cette mesure peut faire débat mais nous formulons cette proposition ;

- les élèves ne peuvent s'inscrire dans une formation sans avoir pris connaissance des statistiques relatives au taux de réussite et au taux d'insertion professionnelle pour connaître les perspectives d'avenir dans cette profession ;

- les diplômes sont co-construits par l'État et les branches professionnelles ;

- les enseignants, les chefs d'établissement et les corps d'inspection acquièrent une expérience de l'entreprise ; dans leur formation, cela devient obligatoire ;

- les maîtres d'apprentissage sont associés aux jurys pour la validation des diplômes par leurs apprentis ;

- des classes de préparation à l'apprentissage sont rétablies au collège, au niveau de la 4ème et de la 3ème ;

- le travail de nuit est autorisé pour les apprentis mineurs, mais seulement en présence du maître d'apprentissage, et on aligne la procédure de rupture du contrat d'apprentissage sur le droit commun (aujourd'hui la rupture est prononcée par les prud'hommes) ;

- les apprentis bénéficient de nouveaux droits : deux semaines de congés, oeuvres universitaires, représentation au CNEFOP...

Enfin nous mettons en oeuvre la logique vertueuse de simplification du code du travail en abrogeant les dispositions relatives au contrat de génération dont tous reconnaissent l'échec : nous appliquons ici le « One in, two out » puisque 16 articles sont supprimés pour 7 créés. Je crois qu'il faut donner l'exemple. Voici mes chers collègues, les éléments directeurs de cette proposition de loi. Je suis à votre disposition.

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