Intervention de Bernard Bajolet

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 17 février 2016 à 9h35
Rapport 2015 de la délégation parlementaire au renseignement — Communication de M. Jean-Pierre Raffarin président et Audition conjointe de M. Bernard Bajolet dgse et de M. Patrick Calvar dgsi direction générale de la sécurité intérieure

Bernard Bajolet, directeur général de la Sécurité extérieure :

Notre analyse est généralement de grande qualité. La réforme menée par mon prédécesseur en 2009 l'a rapprochée de la recherche ; les deux métiers sont distincts mais se nourrissent l'un l'autre. Je ne suis toutefois pas complètement satisfait de notre analyse sur certains pays ou certaines thématiques. Avec le plan d'amélioration que nous suivons, l'objectif est d'avoir les meilleurs analystes de France. Une sorte de concours d'Orient sera organisé et le recours aux contractuels permettra de profiter de l'expertise universitaire. Nous soutenons la comparaison avec les services qui bénéficient des moyens les plus importants, aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Certains de nos partenaires peuvent être meilleurs en raison d'une proximité géographique ou historique ; soit nous tirons parti de leurs compétences, soit nous cherchons à être à leur niveau.

Notre relation avec l'Afrique du Nord est essentielle. Nous avons les mêmes partenaires que la DGSI en Algérie, malgré la réforme qui a remplacé le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) par un ministre coordonnateur auprès du président Bouteflika et trois directions générales de la sécurité intérieure, de la documentation et de la sécurité extérieure, et du renseignement technique. Nos contacts font état d'une volonté très claire de resserrer la coopération avec la France. La parenthèse de la brouille avec le Maroc est définitivement fermée : même pendant cette période, nous avons toujours veillé, pour notre part, à faire comme si de rien n'était en envoyant tous les documents utiles à nos collègues marocains. Aujourd'hui, la coopération a repris son rythme normal. Elle est très forte également avec la Tunisie, ce partenaire qui est aussi un pays menacé directement : des centaines de combattants tunisiens se trouvent parmi les groupes terroristes en Libye, dont Daech.

Il est indispensable de disposer d'un suivi des réservations de passagers européens à travers un PNR dans le cadre de Schengen. C'est le plus qu'urgent ! J'ai toutefois des interrogations sur l'efficacité technique du système tel qu'il paraît envisagé. La coopération avec le Royaume-Uni est excellente : je ne vois pas comment elle pourrait être meilleure. La DGSE, mais aussi la DGSI, collaborent avec le Government Communications Headquarters (GCHQ), le Secret Intelligence Service (SIS) et le British Security Service (BSS) ou MI5. Nous avons aussi une coopération avec l'Allemagne et l'ensemble des services les plus performants en Europe.

Vous aurez noté le déplacement du Premier ministre à Bruxelles en compagnie des ministres de la justice et de l'intérieur, de M. Calvar, du procureur de Paris et de moi-même pour relancer la coopération avec les services belges, parfaitement compétents et professionnels, mais qui manquent de moyens, et que nous devons aider.

Des commandos du 13 novembre ont utilisé des filières migratoires pour arriver sur le territoire. C'est donc un sujet à suivre. Nous ne pourrons toutefois empêcher des terroristes de s'infiltrer que si nous nous en donnons les moyens, à travers le fichier SIS, où nous devons faire figurer non seulement l'identité, mais aussi la biométrie ; des milliers de passeports syriens ont en effet été volés et d'autres sont falsifiés.

Le renseignement humain consiste à recruter des sources pour déjouer les projets terroristes. C'est très compliqué et très long mais nous progressons. Nos agents sont particulièrement exposés. La DGSE est présente partout où les diplomates et les militaires ne peuvent pas aller. Certains agents l'ont payé de leur vie. La prévention de la menace étrangère a un coût : ces risques sont assumés.

La situation s'est détériorée au Mali, à la suite de l'accord tribalo-commercial d'Anefis en octobre 2015, entre les groupes armés présents dans la zone du nord, qui pourrait se traduire par une sorte de pacte de non agression à l'égard des groupes terroristes. Cela explique en partie les attaques des 12 et 14 février à Kidal. La menace se déplace vers le Sud, à Bamako et dans les autres pays voisins du Mali. N'oublions pas Boko Haram. Des rapprochements étonnants ont eu lieu. Al-Mourabitoune s'est scindé entre une partie restée fidèle à Al-Qaida et une partie se réclamant désormais du soi-disant État islamique. Nous devons soutenir nos alliés, dont certains ont des fragilités.

Je vous confirme que nous travaillons sur le cyber. Le sujet prendra de l'importance dans les années à venir.

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