Le Sénat est saisi de deux projets de loi autorisant l'approbation d'accord intergouvernemental entre la France et un pays tiers dans le domaine de la défense. Il s'agit du projet de loi n° 803 autorisant l'approbation de l'accord de coopération dans le domaine de la défense entre la France et la Croatie, d'une part, et du projet de loi n° 74 autorisant l'approbation de l'accord de coopération dans le domaine de la défense de la sécurité entre la France et la Lituanie, d'autre part.
À la question « Pourquoi ces accords de coopérations sont-ils nécessaires ? », il conviendrait de répondre que la coopération militaire entre la France et la Lituanie, et entre la France et la Croatie reposait sur des arrangements techniques de coopération dans le domaine de la défense, signés en 1994 avec la Lituanie et en octobre 1997 avec la Croatie. Ils sont devenus obsolètes depuis l'entrée de chacun de ces pays dans l'Union européenne, en 2004 pour la Lituanie et en 2013 pour la Croatie, et leur adhésion à l'OTAN, en 2004 pour la Lituanie et en 2009 pour la Croatie. Les accords qui nous sont soumis visent donc à actualiser la coopération dans le domaine de la défense compte tenu de ces adhésions.
Il convient d'abord de préciser que ces accords de coopération ne contiennent pas de clauses d'assistance en cas d'agression car tel n'est pas leur objet. Ces pays sont membres de l'OTAN et de l'UE, ils bénéficient donc à ce titre des stipulations de l'article 5 du traité de Washington et de l'article 42.7 du Traité sur l'Union européenne relatifs à l'assistance en cas d'agression extérieure.
La coopération militaire entre les armées, qui est visée par les accords que nous examinons, se traduit surtout par des exercices d'entraînement commun, par de nombreux échanges, visites, stages et séjours de courte ou de longue durée dans les écoles militaires et les centres d'instruction des armées et les unités ainsi que par des échanges et retour d'expérience dans les domaines de l'armement, de l'organisation des forces, de leurs soutiens, etc. Les accords de coopération sont donc de nature technique et visent à organiser ce type de coopération.
Les deux accords de coopération bilatérale s'appuient sur les mécanismes de la convention de Londres du 19 juin 1951 entre les États parties au traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, dite convention « SOFA OTAN ». C'est justement le champ d'application de cette convention de Londres qui explique que les projets de loi nécessitent une autorisation parlementaire avant approbation. La convention régit les échanges de personnels entre Alliés. Elle détermine le statut des forces armées des Parties lorsque celles-ci se trouvent en service sur le territoire métropolitain d'une autre Partie.
Elle s'applique aux personnels du ministère de la défense et du ministère en charge de la sécurité intérieure, excluant de fait les personnels civils du ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI), notamment ceux qui sont en charge des missions de coopération de sécurité et de défense. La situation de ces personnels n'étant pas prévue par le SOFA OTAN, ils relèvent donc actuellement du droit local lorsqu'ils se trouvent sur le territoire de la Croatie ou de la Lituanie. Or, dans le cadre des missions de coopération de sécurité et de défense du ministère des affaires étrangères, des civils de ce ministère peuvent être présents sur les territoires croate ou lituanien. L'extension de l'application du « SOFA OTAN » à ces personnels dans les accords de coopération leur garantit une meilleure protection et permet que tous les agents amenés à effectuer des activités de coopération en matière de défense soient régis par le même statut.
J'en viens maintenant au contenu des accords de coopération. Ces deux accords visent à développer une coopération bilatérale en matière de défense dans des domaines traditionnels, tels que la formation, notamment au français, l'accueil ou l'échange de stagiaires, l'armement, le soutien logistique, la géographie militaire ou tout autre domaine dans lequel des pays signataires décideraient de collaborer. Cette coopération prendra la forme d'échanges bilatéraux annuels de haut niveau entre les ministres de la défense.
Des échanges d'informations classifiées sont prévus par les deux accords, ils sont très encadrés et prévoient que chaque pays protège les informations classifiées de l'autre Partie conformément à sa législation nationale. Selon les informations que j'ai recueillies lors des auditions tenues pour préparer ce rapport, ces échanges d'informations sensibles devraient avoir une influence non négligeable sur un autre aspect de la coopération dans le domaine de la défense : la coopération dans le domaine de l'armement.
Pour la Croatie, les pistes de coopération pourraient être modelées par le fort intérêt manifesté pour certains matériels de défense tels que le système de surveillance maritime Polaris de DCNS et les missiles sol-air Mistral de MBDA.
Outre l'achat de Dauphin d'occasion en 2015, des perspectives de coopération dans le domaine de l'armement avec la Lituanie se dessinent dans les secteurs suivants : défense anti char, équipement en véhicules blindés, modernisation de l'artillerie.
La signature de cet accord permettra de renforcer la coopération avec la Croatie, ce qui est bienvenu compte tenu du fait, notamment, que nous avons un tel accord de coopération avec la Serbie, qui n'est pourtant ni membre de l'Union européenne, ni adhérente de l'OTAN, et que nous sommes le dernier grand pays européen à ne pas avoir établi de document encadrant les modalités de notre coopération militaire avec la Croatie.
Nous avons intérêt à soutenir le rôle stabilisateur que s'efforce de jouer la Croatie dans cette région, impulsant ou soutenant les initiatives de coopération régionale. De plus, la Croatie a également démontré son intérêt pour les opérations de politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Outre des engagements sous l'égide de l'ONU et de l'OTAN, l'année 2015 a vu les deux premiers mandats croates sous bannière européenne, qui ont été les suivants :
- participation d'une équipe de protection embarquée (EPE) à l'opération ATALANTE de lutte contre la piraterie de décembre 2014 à avril 2015, avec le soutien des forces françaises à Djibouti,
- et engagement d'un navire dans l'opération TRITON en Méditerranée au second semestre 2015.
Le budget de 6 000 euros environ par an que la France consacre à sa coopération avec la Croatie dans le domaine de la défense ne représente donc qu'une petite part des relations réelles que nous entretenons, comme le montre le soutien des forces françaises à Djibouti. Mais chacun ici connaît -et déplore- l'amaigrissent des ressources de la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD). L'intérêt que manifeste la Croatie pour la collaboration avec la France dans le domaine de la sécurité maritime et autour du concept d'« action de l'État » en mer montre que cet accord de coopération pourrait renforcer des liens constructifs. Je propose donc d'adopter le projet de loi n° 803 relatif à la coopération avec la Croatie.
Je vous propose de retenir la même position et d'adopter également le projet de loi n° 74 relatif à la coopération avec la Lituanie. Là encore les budgets de coopération sont modestes, de l'ordre de 8 000 euros par an. Mais les convergences avec ce pays sont réelles.
La France a participé aux missions de police aérienne du ciel et de réassurance, dans le cadre de l'OTAN, en 2007, 2010, 2011 et 2013 avec quatre Mirage. Elle y participera de nouveau en 2016 avec quatre Rafale stationnés sur la base de Siaulai. Nous savons tous la sensibilité des Pays Baltes au voisinage russe, perçu comme une menace.
Ces actions ont permis l'instauration d'une relation bilatérale confiante. Depuis 2004 la France et la Lituanie oeuvrent ainsi généralement de concert au sein de l'Union européenne et de l'OTAN.
Je vous propose d'adopter ces textes et de les examiner, comme proposé par la conférence des Présidents en forme simplifiée.