Merci, madame l'ambassadrice. Existe-t-il une perception du sentiment dans l'opinion au Royaume-Uni - je ne parle pas de la presse - du fait que d'autres Européens sont agacés par la demande britannique ?
Une génération s'est employée à construire un édifice européen aussi harmonieux que possible. Il ne répond naturellement pas totalement à nos souhaits, mais cela a été un exercice très compliqué, auquel les Britanniques ne se sont joints que tardivement - d'aucuns disent, en forçant le trait, que si le général de Gaulle était resté plus longtemps au pouvoir, ils n'y seraient toujours pas !-. Un référendum, en 1973, les a fait rejoindre l'Union européenne, et des craintes se sont alors exprimées que, dès lors qu'ils allaient être à l'intérieur, ils « pourriraient le fruit », en quelque sorte. Les Britanniques perçoivent-ils ce sentiment d'agacement ? Évidemment, ce qui se passe avec la Grande Bretagne peut se passer avec d'autres pays. On n'a aucune garantie que des pays qui viennent d'entrer récemment dans l'Union ne demandent pas exactement la même chose. De détricotage en détricotage, d'acceptation en acceptation, on démontera l'édifice que nous avons construit.
J'ai toujours été un Européen convaincu. C'est le sens que j'ai donné à la construction politique de ma vie. C'est donc la crainte que j'ai actuellement ! Les Britanniques en sont-ils conscients ?
J'ajoute un deuxième point - et cela rejoint ce que disait mon collègue Jacques Gautier - à propos de la défense. Certes, avec la France, on a un partenariat en matière de défense extrêmement profitable. Il faut dire que ce sont les deux pays qui, essentiellement, ont la capacité, en Europe, d'avoir une action de défense efficace, une action militaire. Ils sont d'ailleurs en ce moment en train de mettre en place un corps expéditionnaire que l'on va porter sur les fonts baptismaux officiellement dans deux mois. C'est une excellente coopération depuis plusieurs années, après le traité de Lancaster House, y compris sur le plan nucléaire mais, les Britanniques ne voulant pas de défense européenne, contrairement à nous, rien ne permet de penser qu'une sortie du Royaume-Uni de l'Europe interdirait une coopération bilatérale en la matière.
Je ne crois pas du tout à l'argument qui consiste à dire que s'ils sortent de l'Europe, on perd un partenaire en matière de défense. On ne perd pas un partenaire de défense : les choses ne se feront simplement pas dans le cadre que l'on imagine, et que l'on ne parvient d'ailleurs pas à construire avec eux. Puis-je avoir des précisions sur ces deux points ?