Intervention de Thierry Carcenac

Réunion du 2 mars 2016 à 14h30
Situation financière des départements

Photo de Thierry CarcenacThierry Carcenac :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, pourquoi avons-nous un tel débat aujourd'hui ? La situation se serait-elle subitement dégradée ? Est-ce l’incidence de la contribution des collectivités territoriales au redressement des finances publiques ? Je ne le pense pas.

La dégradation de la situation financière des départements est plus profonde. Son origine est connue : elle résulte de la prise en charge de la solidarité nationale par les départements à un moment où le financement local s’est alourdi. Elle s’est aggravée depuis 2004 avec la loi de décentralisation, qui a amplifié les transferts de compétences et de solidarité, avec des financements improbables.

En 2005, nous avons assisté à la refonte de la DGF des départements, dans une période de faible croissance, puis à la baisse des dotations de l’État. Je rappelle qu’actuellement nous percevons en DGF garantie par habitant, depuis 2009, 74, 02 euros.

En 2010 a eu lieu la réforme de la taxe professionnelle, qui s’est accompagnée d’une nouvelle répartition des impôts directs locaux, ne laissant subsister aux départements qu’un seul impôt : la taxe foncière sur les propriétés bâties, fusionnée avec la part régionale basée sur une valeur locative d’un autre siècle.

Il a fallu agrémenter le tout de mesures ponctuelles de péréquation verticale, puis horizontale. Avec des dépenses en hausse – 8 % en moyenne par an pour le RSA – et des ressources inadaptées, ce fut le temps des rapports d’information qui ont reconnu l’effet de ciseaux, entre des ressources qui ne cessent de baisser et des dépenses qui ne cessent de croître. Ce fut le rapport sur la maîtrise des dépenses locales du 20 mai 2010 dit « Carrez-Thénault », qui précisait – déjà ! - que la situation des départements ne serait pas résolue sans arbitrage au niveau national. Je citerai également les rapports de la Cour des comptes, les rapports annuels de l’Observatoire des finances locales, le rapport de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur l’évolution des finances locales à l’horizon 2017, les rapports de l’ODAS, l’Observatoire national de l’action sociale, ou ceux de la DARES, la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques. Tous ces rapports ont tiré la sonnette d’alarme. On ne peut pas dire qu’il y a aujourd'hui un effet de surprise, d’autant que l’État – la DGFIP et la DGCL – dispose des comptes administratifs des départements.

Quelles furent alors les solutions ? Des mesures conjoncturelles ! Trois gouvernements s’y sont essayés : Fillon, Ayrault, Valls. Comme en 2013, les mesures étaient insuffisantes, après un rapport partagé entre le Gouvernement, l’ADF et la Cour des comptes, la loi de finances pour 2014 a prévu le transfert d’une part des frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties et a offert la possibilité aux assemblées départementales de majorer de 0, 7 point les taux liés aux DMTO, qui peuvent ainsi évoluer de 3, 8 % à 4, 5 %. La totalité des départements s’y sont résolus, y compris Paris depuis le 1er janvier 2016.

Ces dispositions étaient accompagnées d’un dispositif de compensation péréqué et d’un fonds de solidarité sur les DMTO sur flux et sur stock. Mais, après un an, rien n’a suffi : la situation stabilisée s’est à nouveau dégradée, et tous les indicateurs des nombreux départements – une quarantaine – sont dans le rouge : endettement qui s’allonge et épargne nette en très forte chute depuis cinq ans. Cela fait que des départements n’ont plus de marge brute et que la marge fiscale n’existe plus pour certains.

Dès lors, la position du Premier ministre sur la prise en charge par l’État du financement du RSA, allocation universelle de solidarité reposant sur la solidarité nationale, et non plus par les seuls départements, s’impose. Nous en prenons acte avec satisfaction ; c’est la deuxième décision d’envergure après celle du gouvernement Ayrault. Mais de nombreuses questions se posent…

En tant que président de la commission consultative sur l’évaluation des charges, je confirme qu’il ne s’agit nullement d’une recentralisation, puisque l’action des départements est confirmée, notamment dans leur rôle d’insertion et de suivi des bénéficiaires, et que reprendre département par département le financement du RSA ne résoudrait pas le problème.

Dès lors, sur quelles bases refonder cette prise en charge nationale ? L’année de référence, celle du dernier accord conclu avec le gouvernement Ayrault, est 2014. Je rappelle que Gaston Defferre avait remboursé sur une période de dix ans la dette de l’État en matière sociale contractée à l’égard des départements lors de la première décentralisation…

Quelles ressources affecter ? Comme je l’indiquais, une reprise à « l’euro l’euro » auprès de chaque département est impossible et ne ferait qu’aggraver la situation des départements, déjà fortement dégradée. Certains évoquent des ressources dynamiques qui ne devraient pas être transférées : DMTO, CVAE. Nous en connaissons toutefois les limites.

Restent les critères objectifs à retenir.

Tous les départements ne sont pas dans la même situation. Il me semble que les revenus des habitants et le reste à charge par habitant des trois allocations individuelles de solidarité pourraient être judicieusement retenus.

L’approche du Gouvernement est très positive, et il faut la concrétiser rapidement. Le Premier ministre a envisagé la mise en œuvre de mécanismes d’incitation financière visant à renforcer les dispositifs d’insertion. Cela n’est pas nouveau : lors de la mise en œuvre du RMI, nous avions connu cela. D’autres éléments sont également importants en termes d’évaluation, notamment le retour à meilleure fortune et la bonification de la DGF.

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