Intervention de Pierre Camani

Réunion du 2 mars 2016 à 14h30
Situation financière des départements

Photo de Pierre CamaniPierre Camani :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République a consolidé la place du département dans l’espace rural. Ses missions ont été recentrées en faveur des solidarités humaines et territoriales.

L’action départementale se décline dans de nombreux champs : la cohésion sociale, l’entretien et la modernisation du réseau routier, l’éducation, à travers les collèges, le maintien des services publics, le soutien au tissu culturel, sportif et associatif ou encore l’aménagement du territoire, notamment dans sa dimension numérique. Plus de trente ans après les grandes lois de décentralisation, le département a fait ses preuves au service de nos concitoyens et de la vitalité des territoires.

La redéfinition des compétences, issue de la loi NOTRe, nous invite à refonder l’ensemble des politiques publiques départementales. Reste que, comme nombre de départements de France, celui que j’ai l’honneur de présider est aujourd’hui confronté à une situation financière sans précédent, qui le conduit dans une impasse budgétaire malgré des ratios de gestion positifs.

En effet, la dynamique des allocations individuelles de solidarité et leur insuffisante compensation, couplées à la diminution des recettes et à la baisse des dotations de l’État, entraînent une dégradation accélérée et structurelle des finances des départements, particulièrement violente pour les départements les plus pauvres. À titre d’exemple, en Lot-et-Garonne, l’écart entre nos dépenses sociales et leur insuffisante compensation par l’État conduit à une hausse préoccupante du reste à charge pour notre collectivité. Pour le seul RSA, ce reste à charge était de 2 millions d’euros en 2008 ; il est de 22 millions d’euros en 2015. Au total, pour ce qui concerne les trois allocations individuelles de solidarité, 42 millions d’euros ne sont pas compensés par l’État en 2015, soit 13 % du budget de fonctionnement. Et cela ne date pas d’hier, comme l’ont indiqué les autres orateurs ! Je ne parle même pas de la protection de l’enfance ni des mineurs isolés étrangers, évoqués précédemment.

À l’heure où de nombreux départements préparent leur budget, les annonces du Premier ministre de jeudi dernier constituent une première réponse à leurs difficultés et vont dans le bon sens. Les propos du Premier ministre en faveur d’une péréquation horizontale, prononcés hier lors des questions d’actualité au Gouvernement du Sénat, sont également encourageants.

Plusieurs demandes de l’ADF ont ainsi été entendues. La recentralisation du RSA ne sera pas financée par les recettes dynamiques, que conservent les départements, mais par un prélèvement sur leur dotation globale de fonctionnement. Celui-ci devrait prendre en compte non seulement la situation de chaque département, mais aussi l’efficacité de sa politique d’insertion. Ainsi, les départements qui parviendront à faire baisser leur nombre d’allocataires du RSA verront leurs prélèvements diminuer d’autant.

D’autres points cruciaux seront au centre des négociations avec le Gouvernement à venir d’ici à fin mars : tout d’abord, la définition du calendrier de la réforme ; ensuite, bien évidemment, la détermination de l’année de référence pour la renationalisation du RSA.

Toutefois, cette recentralisation ne devra pas figer les situations financières difficiles que connaissent certains départements. Cela reviendrait à les condamner chaque année à résoudre une équation insoluble entre des politiques publiques nécessaires et des ressources insuffisantes, parce qu’ils ont, pendant des années, assumé des dépenses relevant de la solidarité nationale et qui auraient dû être mieux compensées en fonction de leurs capacités financières.

La solution ne réside pas, comme certains l’envisagent pour le RSA, dans la mise en place de politiques d’exception en fonction de singularités locales. Dans ce cas, nous risquerions de rompre avec le principe républicain d’égalité et d’universalité des droits sociaux. La recentralisation du financement du RSA devra donc prévoir un mécanisme qui allégera les contributions de certains départements sur le fondement de critères objectifs et mesurables. Il est ainsi nécessaire d’identifier les bons indicateurs permettant de mesurer le poids de l’allocation sur le territoire en rapport avec la situation financière globale de la collectivité, sa richesse fiscale et, enfin, les efforts de rationalisation qu’elle a déjà entrepris. En d’autres termes, la véritable péréquation qui doit être enfin instaurée devra prendre en considération la structure des ressources et des dépenses des départements ainsi que les disparités fortes qui existent entre eux.

Je formule le vœu que les discussions aboutissent à un compromis acceptable, qui préserve la capacité d’action des départements et qui fasse ainsi mentir tous les oiseaux de mauvais augure prédisant leur disparition imminente. Je sais, monsieur le ministre, que vous partagez ce point de vue.

Notre pays et nos territoires rencontrent de grandes difficultés. C’est la raison pour laquelle nous devons plus que jamais être animés par l’optimisme de la volonté, être imaginatifs et innovants pour démontrer que le département reste toujours utile aux populations de nos territoires.

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