Intervention de Jacques-Bernard Magner

Réunion du 2 mars 2016 à 14h30
Trentième anniversaire du baccalauréat professionnel

Photo de Jacques-Bernard MagnerJacques-Bernard Magner :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la rentrée 2013, plus d’un million de jeunes étaient engagés dans la voie professionnelle, du CAP au baccalauréat professionnel : un peu moins de 700 000 par la voie scolaire, dans l’un des 1 600 lycées professionnels, auxquels s’ajoutaient plus de 300 000 apprentis.

Madame la ministre, voilà quelques semaines, vous avez profité de la manifestation organisée pour fêter les trente ans des baccalauréats professionnels pour mettre en exergue les points forts du lycée professionnel, soulignant à cette occasion que celui-ci offre une formation particulièrement performante, tout comme l’apprentissage. C’est pourquoi nous devons avoir de grandes ambitions pour ces deux types de formations enseignées en alternance.

Les lycées professionnels représentent une voie de réussite. En effet, chaque année, un bachelier sur trois est formé dans ces établissements. Par ailleurs, 80 % des élèves admis au bac pro et 27 % des bacheliers professionnels trouvent un emploi dans les trois mois suivant leur réussite à ce diplôme.

Cela dit, dans le cadre de la mission d’information sur l’orientation, que Guy-Dominique Kennel et moi-même menons actuellement, la problématique de l’enseignement professionnel revient régulièrement. Trop souvent encore, l’orientation des jeunes vers la filière professionnelle est mal perçue, mal défendue, peu recherchée. Cette orientation est trop fréquemment subie plutôt que choisie par les élèves et leurs familles. Pourtant, quand l’offre de formation en apprentissage paraît insuffisante, les jeunes sont heureux de revenir en lycée professionnel. Il convient de le remarquer, de nombreux responsables d’entreprise sont partenaires des lycées professionnels, ce qui marque bien l’ancrage du professionnel dans le tissu de l’entreprise.

À la suite de la réforme de la voie professionnelle engagée en 2009, l’orientation en fin de classe de troisième se fait désormais soit vers un baccalauréat professionnel en trois ans – au lieu de quatre ans auparavant – dès la seconde professionnelle, soit vers un CAP en deux ans, repositionné comme parcours d’accès à une première qualification après l’extinction des BEP en 2012.

Depuis la rentrée 2009, l’accès au baccalauréat professionnel en trois ans après une classe de troisième est ouvert en contrat d’apprentissage. Comme pour les jeunes sous statut scolaire, un parcours en quatre ans vers le niveau IV demeure, puisque, à l’issue d’un contrat de deux ans en CAP, les jeunes peuvent poursuivre leur formation pour obtenir un baccalauréat professionnel. Ils peuvent également préparer un brevet professionnel dans le cadre d’un contrat d’apprentissage de deux ans. Ce diplôme national atteste l’acquisition d’une haute qualification dans l’exercice d’une activité professionnelle.

Dans le cadre du débat sur l’avenir des lycées professionnels, il paraît bien évidemment nécessaire d’aborder plusieurs sujets : le devenir des formations actuelles et le développement des nouvelles formations ; la durée de la formation ; la place réservée aux savoirs généraux ; la concurrence de l’apprentissage, en particulier pour le versement de la taxe d’apprentissage ; les modalités de certification des diplômes de la voie professionnelle ; le volume nécessaire de l’offre de formation et les capacités d’accueil sur l’ensemble du territoire ; l’intégration dans des projets Erasmus et l’ouverture à l’international.

Il est certain que les cartes des formations doivent évoluer et que certaines filières doivent être développées. Je pense en particulier aux services à la personne, aux métiers de vendeurs, d’aides-soignants, d’infirmiers, de cadres administratifs, à ceux de la sécurité – tous ces métiers qui, comme l’indique une étude de France Stratégie, seront les plus porteurs d’emplois d’ici à 2020.

Madame la ministre, ce qui nous importe, c’est la réussite des jeunes. Tous les jeunes qui souhaitent se former en alternance doivent pouvoir le faire. Dans cette perspective, nous sommes persuadés que l’enseignement professionnel public sous statut scolaire, donc le lycée professionnel, doit continuer à occuper une place prépondérante dans notre système éducatif. Il convient par conséquent de rendre les lycées professionnels de plus en plus performants.

C’est pourquoi les mesures annoncées par le Président de la République, le 18 janvier dernier, à l’occasion de son discours sur l’emploi, sont les bienvenues : l’éducation nationale va créer « 500 formations nouvelles en alternance, ciblées sur les métiers pour lesquels nous savons qu’il y aura de forts besoins dans les années à venir » ; 1 000 postes d’enseignants seront créés et affectés à ces formations dès 2017.

En outre, des jumelages entre collèges d’une part, lycées professionnels et CFA, centres de formations d’apprentis, sont prévus, afin de faciliter l’insertion des jeunes.

Si le baccalauréat professionnel présente un bon taux de réussite – plus de 80 % en 2015 –, le pourcentage des jeunes en situation de décrochage scolaire qui sont issus du lycée professionnel demeure malgré tout très élevé : ceux-ci représentent aujourd’hui un tiers des décrocheurs, avec, certes, des écarts importants entre académies.

Ces décrochages posent un problème majeur au système éducatif : ils touchent en effet la population scolaire la plus fragile. Afin de les éviter, et pour faire en sorte que l’orientation en filière professionnelle soit réellement choisie par le jeune en formation, vous proposez, madame la ministre, la création d’une période d’essai en seconde professionnelle.

Ainsi, à partir de la rentrée 2016, les élèves auront la possibilité de changer d’orientation jusqu’aux vacances de la Toussaint. Un nouveau tour d’orientation sur AFFELNET aura lieu à ce moment-là, et les conseils de classe pourront valider la demande de réorientation de chaque jeune qui le souhaitera. Nous pensons que c’est là une bonne façon de donner une chance supplémentaire à la réussite de l’orientation des nouveaux lycéens.

Par ailleurs, la loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l’école de la République retient l’objectif d’une « valorisation de l’enseignement professionnel ». Cette ambition s’appuie sur la création des campus des métiers et des qualifications et sur la promotion de la démarche qualité dans l’enseignement professionnel, en particulier dans les lycées labellisés « lycées des métiers ». À cet égard, le concept de lycée des métiers, concrétisé par un label délivré par le recteur pour une durée de cinq ans en référence à un cahier des charges national précis, connaît un développement important.

Les trente et un campus des métiers et des qualifications, pôles de formation d’excellence labellisés et spécialisés par filière économique, incarnent aujourd’hui une dynamique partenariale et territoriale au service du développement économique et des parcours des jeunes.

Au-delà du bac pro, il faut aussi envisager une poursuite d’études valorisante pour ces bacheliers. Les sections de techniciens supérieurs, qui donnent accès au BTS, le brevet de technicien supérieur, apparaissent comme la meilleure voie de réussite des bacheliers professionnels ; mais cette voie demeure fragile. On constate en effet un processus de sortie précoce, en cours de formation, qu’il faut prendre garde à ne pas laisser se développer.

En conclusion, je souhaite souligner l’importance de la formation professionnelle dans le contexte social et économique que nous connaissons. Certes, le lycée professionnel se heurte à de nombreuses difficultés, rappelées par différents orateurs. Des moyens supplémentaires, notamment, sont nécessaires pour en améliorer l’attractivité, le fonctionnement et les débouchés dans le monde professionnel.

Toutefois, ces difficultés sont inhérentes à la vitalité démographique de la France, …

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