Intervention de Leila Aïchi

Réunion du 2 mars 2016 à 14h30
Trentième anniversaire du baccalauréat professionnel

Photo de Leila AïchiLeila Aïchi :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’année 2015 a été celle des trente ans du baccalauréat professionnel, appelé communément « bac pro ». Aujourd’hui, un tiers des jeunes scolarisés deviennent des bacheliers professionnels, et un peu moins de la moitié d’entre eux s’inscrivent en BTS ou à l’université. La finalité de ce baccalauréat professionnel reste floue.

La réforme de ce diplôme en 2009, permettant l’alignement de la durée du cursus sur celle des deux autres baccalauréats, général et technologique, fit passer celle-ci à trois ans. L’objectif de cette généralisation était bien que l’ensemble des baccalauréats aient la même valeur, et ainsi que le baccalauréat professionnel puisse donner les mêmes droits d’accès à l’enseignement supérieur.

Cette réforme a suscité de nombreuses critiques. Dénoncée comme menée dans la précipitation, sans réelle concertation, elle avait même échappé au Parlement. Nombreuses sont les voix s’élevant toujours aujourd’hui pour souligner la grande disparité des taux de réussite et invoquer notamment la situation précaire des élèves ayant le plus de difficultés.

En 2012, la réforme aurait permis d’augmenter de 80 % le nombre de bacheliers professionnels, alors que, en 2013, au moment de l’achèvement de la réforme, le nombre de candidats a fortement diminué. S’agissant du taux de réussite, on a pu constater une baisse pendant plus de trois années consécutives.

La diversité des filières professionnelles de l’éducation nationale, du tertiaire à l’industrie, entraîne le développement d’une pluralité de baccalauréats professionnels.

Votre récente annonce, madame la ministre, de créations de postes, permettant l’ouverture de 500 nouvelles formations, va plutôt dans le bon sens. Il conviendra cependant de bien identifier les gisements d’emploi, pour définir des formations adaptées au futur marché du travail.

Le baccalauréat professionnel constitue, selon nous, un outil positif, permettant de délivrer un titre de bachelier, dont la symbolique est très forte. Aujourd’hui, 80 % d’une classe d’âge arrive au niveau du baccalauréat. Si le baccalauréat professionnel a longtemps été dévalorisé, envisagé comme l’issue destinée à ceux qui ne pouvaient prétendre à un autre baccalauréat, technique ou général, son image évolue désormais.

Au nombre des autres annonces, madame la ministre, la création de jumelages entre collèges, lycées professionnels et centres de formation des apprentis nous semble une piste à explorer. Elle pourrait permettre un rapprochement des formations et la diffusion d’une meilleure image du diplôme en cause. Rappelons qu’il est question non pas d’opposer baccalauréat professionnel et apprentissage, mais plutôt de souligner leur complémentarité.

La valorisation du savoir-faire professionnel est en constant progrès. Il est ainsi prouvé, toujours davantage, que ce diplôme est un formidable outil d’acquisition d’un futur métier, en vertu notamment des nombreuses périodes professionnelles qui jalonnent la formation du bachelier. Du chemin reste néanmoins à parcourir.

Malgré les bonnes intentions concernant les possibilités de poursuites d’études, le système du baccalauréat professionnel a dévié pour devenir une impasse en termes de cursus. Le candidat Hollande avait pourtant estimé que « les jeunes et les personnels de l’enseignement professionnel ont été particulièrement malmenés », et dénoncé en particulier les « orientations imposées ». Ces annonces laissaient présager la mise en place d’un dispositif ambitieux.

Aujourd’hui, cependant, la situation n’est pas satisfaisante.

La loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République n’a pas suffisamment valorisé l’enseignement professionnel.

L’ambition du renforcement de l’accompagnement des élèves dans l’élaboration de leur projet d’orientation et la valorisation de tous leurs acquis et compétences était pourtant présente dans le texte. Le parcours Avenir, généralisé de la sixième à la terminale à la rentrée 2015, représente, aux yeux du Gouvernement, un outil privilégié permettant d’atteindre cette ambition.

Vos annonces relatives à l’introduction d’une plus grande souplesse dans la procédure d’orientation nous semblent intéressantes, madame la ministre. Attention toutefois à ce que cette « période d’essai » ne devienne, dans les faits, une énième usine à gaz, qui rendrait compliqués les changements d’orientation !

Des difficultés existent en effet.

L’accès des bacheliers professionnels aux formations supérieures reste un parcours du combattant qui, lorsqu’il est mal préparé, crée trop souvent des décrocheurs. Le taux de réussite de ces bacheliers reste en effet trop faible par rapport à celui des autres bacheliers, plus habitués aux méthodes de travail qu’il est nécessaire de maîtriser, notamment à l’université.

Les effets de ces échecs sont souvent dévastateurs. Pourtant, de plus en plus de bacheliers professionnels souhaitent accéder à l’enseignement supérieur. Des pistes – réserver des places aux bacheliers professionnels au sein des IUT, les instituts universitaires de technologie, par exemple – sont à explorer.

Une orientation non choisie et l’absence de passerelles entre les différentes formations sont souvent désignées comme responsables des échecs.

Diverses questions se posent, notamment celle des objectifs que nous souhaitons poursuivre – le bac pro constitue-t-il une voie vers l’enseignement supérieur ou la garantie d’une insertion sur le marché de l’emploi ? –, mais aussi, corrélativement, celles des quotas dans les BTS ou les IUT, de l’orientation active ou même de l’aménagement, de nouveau, d’un parcours en quatre ans pour les plus fragiles.

La question des outils dont nous nous doterons pour permettre la réussite de ces élèves doit également être soulevée.

Il convient aujourd’hui de valoriser ce diplôme du baccalauréat professionnel et de souligner le travail remarquable effectué par les professionnels qui, sur le terrain, forment au quotidien nombre de jeunes qui entreront demain sur le marché de l’emploi avec les connaissances nécessaires.

Changeons l’image stigmatisante de ce diplôme, parfois associée à l’idée selon laquelle les compétences pratiques sont réservées aux élèves ayant des difficultés scolaires. Il n’en est rien : nombre de jeunes bacheliers professionnels nous le prouvent chaque jour.

En conclusion, trois impératifs s’imposent à nous : le développement de connaissances et de compétences, la possibilité, pour les bacheliers professionnels, de poursuivre des études plus longues, et, pour notre jeunesse talentueuse, un réel accès à l’emploi.

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