Intervention de Jacques Grosperrin

Réunion du 2 mars 2016 à 14h30
Trentième anniversaire du baccalauréat professionnel

Photo de Jacques GrosperrinJacques Grosperrin :

À trente années de distance, on ne peut que constater la triste constance de la formation politique à laquelle vous appartenez s’agissant de l’adaptation de la société aux nécessités de l’emploi.

C’est donc principalement à la droite, revenue aux affaires en 1986, et surtout à René Monory, dont il faut honorer la mémoire dans cette enceinte, que l’on doit le succès et la pérennité de quelques-unes des innovations de cette loi.

Il est vrai que ce baccalauréat professionnel a essaimé dans d’autres pays. Je rends à cet égard hommage au travail que vous avez accompli, madame la ministre, en faveur de l’instauration du baccalauréat professionnel au Maroc à la rentrée 2014-2015. Plutôt que de copier notre dispositif, le Maroc nous a demandé conseil : c’est une démarche intéressante, dont je salue la conclusion.

C’est bien à la loi du 23 décembre 1985 que nous devons l’instauration du baccalauréat professionnel. Son anniversaire – trente ans, le bel âge ! – donne l’occasion de revenir sur la réussite d’un diplôme insuffisamment valorisé. Il est surtout l’occasion d’élargir le propos pour porter un regard sévère sur la formation professionnelle.

Je m’interroge en particulier sur le vrai problème posé par l’entrée à l’université des titulaires du baccalauréat professionnel. On trompe selon moi nos jeunes quand on leur promet que ce diplôme permet d’accéder à l’université : le taux d’échec est trop important ! Je m’inscris en faux par rapport à la conception fréquente selon laquelle le baccalauréat professionnel est d’abord un diplôme : selon moi, il doit avant tout permettre d’obtenir un métier. Voilà ce qui, madame la ministre, nous distingue peut-être le plus à ce jour.

S’agissant du baccalauréat professionnel en lui-même, les chiffres démontrent que ce diplôme a su attirer un public nombreux. Ainsi, en juin 2015, 176 200 jeunes l’ont obtenu, sur un total de 617 900 nouveaux bacheliers. L’année de son trentième anniversaire, le bac professionnel représentait donc 22 % des nouveaux bacheliers. Il faut s’en féliciter : 60° % de ces bacheliers entrent directement sur le marché du travail après l’obtention de leur bac, où ils peuvent mettre à profit leurs connaissances. Il s’agit donc d’une clef puissante d’intégration sur le marché du travail.

De ce point de vue, la réforme portée par la précédente majorité et adoptée dès le début du quinquennat de Nicolas Sarkozy, en 2008, a bien atteint ses objectifs. Il s’agissait en effet de diminuer la durée de préparation de ce baccalauréat afin de recruter des candidats ayant un bon niveau en troisième, capables d’avoir le diplôme en trois ans plutôt que quatre, et donc d’aller chercher des candidats choisissant la filière professionnelle par choix et non par dépit.

On peut également s’interroger sur la suppression des classes du dispositif d’initiation aux métiers en alternance, ou classes DIMA, qui permettaient aux élèves de réfléchir et les incitaient à choisir une voie professionnelle non pas par défaut, mais bien par envie.

Alors que le taux de chômage des moins de vingt-cinq ans atteint 25 %, on ne peut que se féliciter de la bonne santé du baccalauréat professionnel et, peut-être, regretter que le Président de la République, qui a pourtant fait des jeunes et de la diminution du chômage les deux priorités de son mandat, n’ait pas porté un regard dans sa direction.

Si l’on élargit le propos à la formation professionnelle, on quitte inévitablement le registre du satisfecit pour celui du regret.

La formation professionnelle représente un budget annuel de 32 milliards d’euros, soit l’équivalent du budget de la défense française, deuxième ministère le plus doté en France. Ce n’est pas rien !

Cette somme considérable devrait permettre d’atteindre des résultats du même ordre en matière d’accès à l’emploi. Or il n’en est rien, car ce budget est mal employé. En effet, il bénéficie principalement – à hauteur de 61 % – aux actifs occupés. On sait pourtant que le frein essentiel à l’emploi réside dans l’absence de formation : ces sommes trouveraient donc une utilité plus grande si elles étaient destinées à des personnes non formées.

Est-il donc vraiment judicieux de dépenser 20 milliards d’euros au profit de personnes qui occupent un emploi ? Poser la question, c’est déjà y répondre ! De surcroît, ceux qui profitent le moins de ce budget pharaonique sont les jeunes et les demandeurs d’emploi.

Bref, les moyens existent, mais ils sont très mal employés. De plus, là où la précédente majorité avait su simplifier le baccalauréat pour le rendre plus opérationnel, la majorité actuelle a réformé la formation professionnelle pour la rendre plus rigide. On peut difficilement faire pire ! Il serait temps, ô combien, de faire mieux !

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