Le 18 février dernier, la commission des affaires européennes a adopté, à l'initiative de Colette Mélot et André Gattolin, une proposition de résolution portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de directive concernant certains aspects des contrats de fourniture numérique et de la proposition de directive concernant certains aspects des contrats de ventes en ligne et de toute autre vente à distance de biens.
Dans le cadre de la procédure instaurée par les traités européens, qui fixe un délai de huit semaines pour l'examen des questions de subsidiarité par les parlements nationaux, l'article 88-6 de la Constitution prévoit que chaque assemblée peut émettre un avis motivé sur la conformité d'un projet d'acte législatif européen au principe de subsidiarité. C'est une avancée du traité de Lisbonne, permettant de mieux associer les parlements nationaux au processus législatif européen, sans médiation de l'exécutif. L'article 73 octies de notre règlement prévoit que les propositions de résolution portant avis motivé sur la conformité d'un projet d'acte législatif européen sont d'abord examinées par la commission des affaires européennes ; si celle-ci adopte une proposition, elle est ensuite transmise à la commission compétente au fond - en l'espèce, la commission des lois, saisie au titre de sa compétence sur le droit général de la consommation, qui dérive du droit des contrats. Celle-ci statue en concluant soit au rejet, soit à l'adoption de la proposition. La résolution est considérée comme adoptée par la commission au fond si celle-ci ne statue pas.
Pourquoi est-il proposé à notre commission de statuer expressément sur cette proposition de résolution ? Il s'agit d'approuver avec force la position émise par la commission des affaires européennes, sur une difficulté récurrente constatée en matière de protection des consommateurs, domaine imprégné par le droit européen et exigeant la transposition de nombreuses directives au nom du marché unique.
Les deux propositions de directive concernées s'inscrivent dans la stratégie numérique de la Commission européenne et portent notamment sur les contrats de vente à distance et de vente en ligne entre consommateurs et professionnels, avec l'objectif de développer les achats en ligne dans le cadre du marché européen et de tirer davantage profit de la forte croissance du commerce électronique.
Comme la Commission européenne considère que la juxtaposition des législations nationales en matière de consommation constitue un frein au commerce transfrontalier et un surcoût dans les transactions, elle propose régulièrement des directives dites d'harmonisation maximale ou complète, en vue de créer un cadre juridique uniforme sur certains aspects des règles encadrant l'achat de biens et services par des consommateurs dans l'Union européenne, qu'il s'agisse ou non de vente à distance. Le législateur national ne peut alors pas s'écarter de la directive lors de la transposition pour mettre en place des dispositions plus protectrices pour les consommateurs, mais aussi pour conserver celles qui existent déjà. Rapporteur pour avis des projets de loi de 2011 puis de 2014 relatifs à la consommation, Nicole Bonnefoy avait déjà nettement souligné cette difficulté, qui impose de démanteler certains aspects de la protection des consommateurs offerte par le droit français.
Selon le constat de la commission des affaires européennes, les deux directives proposées offrent globalement un niveau satisfaisant de protection pour les consommateurs européens et même certaines avancées par rapport au droit français, par exemple en matière de charge de la preuve, de responsabilité, de dédommagement ou encore de résiliation du contrat en cas de défaut de conformité de la chose vendue. Pour autant, nos collègues ont estimé que ces deux textes étaient contraires au principe de subsidiarité, en raison de la combinaison du principe d'harmonisation maximale et de reculs par rapport au droit français de la consommation.
En principe, une directive fixe un socle commun, sans préjudice pour les États membres d'aller plus loin, en offrant ou en conservant une protection plus grande pour les consommateurs. En l'espèce, les directives ne garantissent pas un niveau de protection des consommateurs équivalent à celui des États membres les plus avancés en la matière, dont la France fait partie, mais un niveau médian, qui imposerait à certains États de diminuer le niveau de protection de leur législation.
Concernant la France, la garantie en cas d'éviction - c'est-à-dire en cas de trouble de jouissance de la chose vendue, du fait du vendeur ou d'un tiers - et la garantie contre les défauts de la chose vendue, aussi appelée garantie des vices cachés, toutes deux prévues par le code civil, devraient être supprimées de notre législation, abaissant de fait la protection des consommateurs français.
Seize parlements nationaux ont adopté ou devraient adopter prochainement des avis motivés en matière de subsidiarité sur ces deux propositions de directive, pour le même motif. Même si le nombre d'avis motivés n'atteindra pas le seuil, dit du « carton jaune », de dix-neuf avis motivés, qui imposerait à la Commission européenne de reprendre son texte, ces avis motivés ne pourront pas être ignorés. L'Union européenne ne saurait être synonyme de moindre protection pour les consommateurs français.
Dans ces conditions, je vous propose d'approuver la proposition de résolution.