Je tiens avant tout chose à remercier la délégation de nous donner l'occasion de présenter le dispositif Ac.Sé et de partager nos constats.
Le premier constat concerne le manque de places d'hébergement. En 2003, la loi de sécurité intérieure annonçait la création de 500 places en centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Or à ce jour, aucune place n'a été créée. Le système actuel de traitement des demandes d'hébergement s'appuie sur les services intégrés de l'accueil et de l'orientation (SIAO). Or, ces derniers ont vocation à traiter les demandes locales, alors que l'éloignement pour danger implique souvent de traiter avec des départements éloignés du lieu de l'exploitation.
Au-delà de la France métropolitaine, le problème de la prise en charge des victimes de la traite des êtres humains se pose de manière très importante en outre-mer. Nous avons essayé à plusieurs reprises d'organiser des missions et de prendre contact avec nos homologues dans les territoires et départements ultramarins, mais la coopération s'avère compliquée. En termes de perspectives de travail, votre délégation pourrait très utilement se pencher sur la question, notamment s'agissant des zones frontalières avec le Brésil où la traite des êtres humains est repérée par les acteurs américains, mais où la France semble absente en termes de prévention, de prise en charge et de formation des professionnels.
Comme Geneviève Colas, j'insisterai à mon tour sur la problématique de l'exploitation sexuelle des mineurs. Nous observons un abaissement préoccupant de l'âge des victimes que nos équipes rencontrent dans la rue, et nous souffrons d'un manque d'outillage patent sur cette question. Les mineurs relèvent de l'autorité des conseils départementaux, qui n'ont pas les capacités matérielles de prendre en charge les victimes et dont les personnels ne sont pas formés à ce type accueil.
J'évoquerai enfin la question de l'identification des victimes de traite. Les associations se sont longtemps concentrées sur les victimes de l'exploitation sexuelle, relativement plus faciles à approcher, le lieu d'exploitation étant souvent l'espace public. Pour les personnes victimes de formes d'exploitation telles que le travail forcé ou l'esclavage domestique, c'est autre chose. Un travail de fond doit être mené sur la formation des professionnels pour améliorer l'identification des victimes. Je pense notamment aux travailleurs sociaux, aux forces de l'ordre et aux magistrats. Ces derniers sont très performants sur la question du proxénétisme, mais encore peu ouverts sur les autres formes de traite des êtres humains. Or le faible nombre de condamnations au titre de la traite des êtres humains contribue à la faible visibilité du phénomène.
Pour terminer, je vous invite à vous rendre dans le département des Alpes-Maritimes où, après des années de travail, nous sommes parvenus avec les services de l'État et les associations, à mettre en place une politique cohérente d'accueil et de protection des victimes de traite, fondée sur la coordination de l'ensemble des acteurs du secteur.