Intervention de Eleonore Chiossone

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 25 novembre 2015 : 1ère réunion
Les femmes victimes de la traite des êtres humains

Eleonore Chiossone, conseillère technique Protection de l'enfance, ECPAT France :

Un effort majeur est à produire s'agissant de l'identification et de la prise en charge des mineurs victimes de traite qui aujourd'hui, se retrouvent souvent seuls, « baladés » d'interlocuteurs en interlocuteurs. Nous insistons sur l'importance que revêt la désignation de tuteurs pour ces victimes, en particulier lorsqu'il s'agit de mineurs étrangers isolés ou lorsque l'environnement familial est lui-même impliqué dans les faits de traite. La désignation d'un tuteur dans ces situations existe déjà en Belgique et aux Pays-Bas. L'idée a par ailleurs été reprise dans différentes directives européennes, dont la directive européenne sur la traite du 5 avril 2011 qui invite les États à prendre les mesures nécessaires pour garantir qu'un tuteur et/ou un représentant soit désigné afin de veiller à l'intérêt supérieur du mineur.

Une victime mineure se trouve souvent dans l'incapacité juridique d'agir. Si on lui refuse une prise en charge, elle devra se présenter à un juge pour contester la décision. Sans représentant toutefois, rien ne lui sera accordé. Par ailleurs, pour ces mineurs sous emprise, il est essentiel de tisser des liens de confiance pour les sortir du système de traite. Le fait d'avoir un accompagnant unique, pérenne et présent sur l'ensemble de la procédure peut réellement faire une différence.

Sur l'échantillon de l'étude, seuls sept mineurs ont pu bénéficier d'un tuteur. Ces mineurs étaient spécifiquement dans des procédures judiciaires, principalement pour des faits de mendicité de délinquance forcée. Seuls six mineurs ont pu bénéficier d'un administrateur ad hoc.

En Belgique, la loi sur la tutelle permet de désigner un tuteur pour les mineurs isolés étrangers dès leur arrivée sur le territoire belge. Le tuteur peut dès lors accompagner le mineur et l'éclairer sur les différents droits auxquels il a accès. Outre l'accompagnement dans les procédures, la loi précise que le tuteur « veille à ce que le mineur bénéficie d'une scolarité, d'un soutien psychologique, de soins médicaux, d'un hébergement adéquat et de l'aide des pouvoirs publics ».

En France, l'Aide sociale à l'enfance (ASE) est généralement la gardienne de l'enfant et, le cas échéant, s'en voit confier la tutelle. À notre sens et de l'avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), le tuteur ne devrait pas avoir d'intérêt autre que celui de l'enfant. Or le système français soulève des questions sur la capacité d'un enfant à se prévaloir de ses droits s'il rencontre des difficultés avec l'ASE.

Je terminerai en signalant qu'ECPAT France a récemment reçu une subvention de la direction générale de la justice de la Commission européenne, qui soutient, dans différents pays, des systèmes renforçant les capacités des professionnels censés représenter ces mineurs : les avocats, les administrateurs ad hoc et, nous l'espérons, un jour, les tuteurs.

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