Intervention de Bruno Sido

Réunion du 8 mars 2016 à 14h30
Maintien des communes associées en cas de création d'une commune nouvelle — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission, amendements 4 1 000

Photo de Bruno SidoBruno Sido, auteur de la proposition de loi :

Rappelons-nous, mes chers collègues, la France d’avant la décentralisation : les préfets, écrivait Napoléon depuis Sainte-Hélène, « étaient eux-mêmes des empereurs au petit pied ». Leur tutelle sur les communes allait jusqu’au contrôle a priori des délibérations !

Nul doute qu’alliées à la majoration de 50 % pendant cinq ans des subventions d’investissement et à quelques autres babioles telles que des stations d’épuration, ces amicales pressions d’une si haute autorité devaient produire leur effet sur les maires de Haute-Marne, déjà remarquables de loyauté envers l’État.

Seulement, chacun le sait, ni la contrainte ni l’argent ne remplacent un projet. Comme l’écrit la commission des lois dans son rapport : « Le bilan de la loi Marcellin s’est donc avéré très modeste avec un total de 1 100 communes finalement supprimées ». Passé l’enthousiasme des premiers temps, de nombreuses unions se sont en effet dissoutes.

Au 1er janvier 2016, 745 communes sont encore régies par la loi du 16 juillet 1971, dont 343 fusions simples – dont il ne sera pas ici question – et 402 fusions-associations. Ces dernières représentent au total 619 communes associées, principalement situées dans l’Est, et d’abord en Haute-Marne, laquelle en compte près d’une centaine.

Le législateur a déjà modernisé ce texte par la réforme du 16 décembre 2010 : la procédure est plus ouverte, l’organe délibérant de l’intercommunalité peut engager le processus, tout comme le préfet. Le projet de fusion peut même être adopté sans référendum local, si tous les conseils municipaux concernés lui sont favorables. Là encore, le résultat atteint est modeste : 19 communes nouvelles créées, associant 53 communes et 44 000 habitants, dont la commune nouvelle d’Épizon, en Haute-Marne, le 28 février 2013.

Cependant, le texte est imparfait puisqu’il ignore les communes associées dans le cadre de la création de communes nouvelles. C'est la raison pour laquelle en Haute-Marne, par exemple, de nombreuses communes ayant en leur sein des communes associées refusent de s’engager dans un projet de commune nouvelle, tout simplement parce que cela signifierait la mort des communes associées.

Pourtant, les communes nouvelles sont une réponse moderne et adaptée à l’excessif émiettement communal, pour peu que l’on se donne la peine de respecter l’ensemble des partenaires, même les plus petits.

Cette proposition de loi, si vous l’acceptez, permet tout simplement à une commune comprenant des communes associées, comme Colombey-les-Deux-Églises, de décider si elle entre seule sous le statut de commune déléguée dans la commune nouvelle, ou si ses communes associées entrent elles aussi avec cette qualité de communes déléguées au sein du nouvel ensemble.

Ce texte offre donc la liberté de choix aux élus communaux. Il ne coûte rien ou quasiment rien aux finances de l’État. Il respecte la parole donnée à ceux qui ont ouvert la voie. Il correspond aux attentes du monde rural.

N’oublions pas qu’être élu d’une commune rurale est un sacerdoce : pour rien ou presque, vous devez être disponible tout le temps, assumer des responsabilités sans avoir l’expertise technique, intégrer le flux incessant de normes et de règlements que relaie et produit la préfecture, remplir les trop nombreux et différents formulaires de demandes de subvention, etc. Pour avoir été maire délégué avant de devenir maire tout court, je mesure bien le niveau d’engagement qu’implique la fonction.

Toutes les communes, qu’elles soient associées, déléguées ou nouvelles, doivent être pleinement respectées. Cela suppose de pouvoir maintenir, a minima, leur nom, leur territoire et de disposer d’un maire délégué.

Permettez-moi de terminer cette présentation en remerciant tout particulièrement M. le rapporteur, François Grosdidier, qui, par ses amendements en commission, a permis d’améliorer cette proposition de loi sans la dénaturer.

Je voudrais aussi saluer la qualité des discussions en commission des lois, dont j’ai lu avec un vif intérêt le compte rendu. Elle a fait le choix d’ajouter un article à mon texte pour régler le nombre de délégués sénatoriaux à désigner pendant la période transitoire qui s’ouvre avec la création des communes nouvelles.

Face à cette question ô combien majeure et sensible – surtout au sein de la Haute Assemblée –, seule la commission des lois pouvait prendre l’initiative de formuler une proposition. Non sum dignus !

Je voudrais également remercier mon collègue et ami Charles Guené, premier cosignataire de cette proposition de loi, président de l’Association des maires de la Haute-Marne, pour les amendements qu’il a déposés sur ce texte, surtout l’amendement n° 4, qui tend à répondre à un vrai problème. En effet, depuis le 1er janvier, les maires des communes déléguées comme des communes nouvelles de moins de 1 000 habitants perçoivent obligatoirement leurs indemnités légales, sans possibilité d’en réduire le montant.

Mes chers collègues, il est admirable de constater avec quel désintérêt et quel engagement les maires et les élus des communes, notamment des plus petites, servent au quotidien l’intérêt général.

Monsieur le ministre, je sais combien l’ancien président de conseil départemental que vous êtes connaît ces questions. Je forme le vœu que nous puissions voter tous ensemble un texte d’équilibre.

Merci à tous les cosignataires de cette proposition de loi de leur confiance !

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