Intervention de Stéphane Le Foll

Réunion du 9 mars 2016 à 14h30
Ancrage territorial de l'alimentation — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, il me revient d’introduire l’examen de cette proposition de loi visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation.

Vous connaissez la crise que nous vivons, qui touche l’agriculture et particulièrement l’élevage. Depuis 2011, l’État a la volonté de développer l’ancrage territorial et local des productions agricoles et des lieux de consommation. Le mouvement s’est amplifié depuis 2013, sous ma responsabilité.

Cette politique s’est manifestée, d’abord, par la validation de plateformes de commercialisation de produits locaux. En l’absence de Didier Guillaume, président du groupe socialiste et républicain, je voudrais évoquer la plateforme Agrilocal, qui fonctionne très bien. Il existe également une plateforme issue des chambres d’agriculture, ainsi qu’une autre, validée par le Gouvernement, émanant de la Fédération nationale de l’agriculture biologique.

Cette démarche visait à favoriser l’ancrage territorial et local entre la production agricole et la consommation de biens alimentaires, en particulier dans la restauration hors domicile liée à l’ensemble des actions conduites par l’État et par les collectivités locales. Tel est également l’objectif de ce texte.

Après avoir été examinée par l’Assemblée nationale, la présente proposition de loi, déposée par Brigitte Allain, est aujourd’hui débattue au Sénat. La discussion à l’Assemblée nationale a été utile et s’est soldée par un vote unanime de soutien à ces propositions.

Nous partageons tous, dans cette enceinte, les objectifs que je viens de rappeler. Nous devons encourager tout ce qui contribue à les atteindre, en mettant en œuvre des stratégies aussi efficaces que possible.

Lors du salon de l’agriculture, nous avons validé la dernière étape du dispositif destiné aux acheteurs, au sein des collectivités locales. Il s’agit d’un système informatique permettant à chaque acteur, en fonction des produits qu’il souhaite acheter, de disposer des critères les plus efficaces pour aboutir à un achat local.

L’article 1er de cette proposition de loi est clairement ambitieux, dans la mesure où il reprend l’objectif fixé par le Président de la République de 40 % de produits locaux et de qualité dans la restauration collective.

Le Gouvernement est également en faveur de l’affichage clair d’un objectif d’approvisionnement en produits issus de l’agriculture biologique, lequel a été fixé par l’Assemblée nationale à 20 % de ces produits locaux. Cela confirme les engagements que j’avais contractés dans le cadre du plan Ambition Bio 2017 en faveur de la production, de la transformation et de la distribution des produits issus de l’agriculture biologique.

Ces objectifs, ambitieux, ne pourront être atteints qui si nous prenons toute la mesure de la complexité du sujet. Favoriser l’ancrage territorial, c’est raisonner à l’échelle des territoires. Il est de la responsabilité des acteurs eux-mêmes de s’intéresser non seulement aux productions locales, mais aussi à leur transformation et à leur mise à disposition à l’échelle d’un territoire, d’une collectivité locale, d’une cantine ou d’un hôpital. Il ne suffit pas de réclamer la mise en œuvre de réglementations, voire de lois. Une telle ambition nécessite une organisation parfaite pour faire correspondre localement les capacités productrices, les lieux de stockage et de transformation nécessaires, ainsi que les lieux de consommation.

Cette mobilisation essentielle prend son sens avec les plans régionaux de l’alimentation mis en place dans le cadre de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui doivent structurer l’ensemble constitué par l’offre et la demande locales, afin d’atteindre l’objectif ambitieux de 40 % de produits locaux de qualité dans la consommation des collectivités et de 20 % de produits biologiques.

Cet objectif doit être poursuivi dans le respect des règles qui s’imposent aux marchés publics. La France est un grand pays agricole, actif sur des marchés à l’échelle européenne. Nous devons donc respecter la réglementation européenne et nous inscrire dans les règles propres aux marchés publics. Mais, je l’ai dit dès 2013, celles-ci n’empêchent en aucune manière d’acheter des produits locaux, selon des critères spécifiques. Nous avons ainsi progressé dans ce domaine, grâce à différents éléments, en particulier le guide fourni à tous les maires de France en 2014.

Cela dit, un constat est largement partagé : les marchés sont organisés d’une manière qui décourage l’achat de produits locaux au lieu de l’encourager. Cette proposition de loi a donc pour objet de faire en sorte que l’ensemble des dispositions législatives et des critères soient calibrés pour favoriser l’achat local.

Au-delà de la réglementation et des bonnes volontés, il faut repenser les stratégies d’achat et la politique alimentaire, par exemple en faisant le choix de travailler davantage de produits frais et de produits non transformés. Il faut par conséquent intégrer dans la stratégie globale du développement de l’achat local, de la consommation locale les conséquences de tels choix sur les collectivités et sur les cantines.

C’est pourquoi j’ai choisi d’engager l’action en premier lieu sur la construction d’outils, avec la publication de trois guides pour favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation, avec la mise en ligne, dès l’été 2016, d’une boîte à outils pour faciliter l’appropriation par les acheteurs des possibilités offertes par le code des marchés publics. Il est inutile de chercher ailleurs : le cadre régissant les marchés publics permet tout à fait, aujourd’hui, de garantir l’achat local. Les acheteurs, qui sont confrontés au quotidien à cette réalité, disposent de l’ensemble des critères à mettre en œuvre à cette fin.

La responsabilité de l’État est particulière. Emmanuel Macron et moi-même avons pris des ordonnances nous permettant de revoir l’ensemble des appels d’offres, afin que l’État et ses administrations se mettent en concordance avec l’objectif fixé aux territoires. De nombreux progrès ont été réalisés. Ainsi, Jean-Yves Le Drian et moi-même avons mis en place un système qui fonctionne bien et qui assure un bon approvisionnement en produits locaux de nos armées. C’est un élément important dans la stratégie de notre défense nationale. Enfin, sur l’initiative du Premier ministre, un grand recensement est d’ores et déjà en cours au sein des marchés publics d’État pour revoir les appels d’offres passés.

Par ailleurs, la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a permis la mise en place des projets territoriaux, tout en garantissant un rôle spécifique aux chambres d’agriculture, associées à la définition de ces derniers.

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