Intervention de Henri Tandonnet

Réunion du 9 mars 2016 à 14h30
Ancrage territorial de l'alimentation — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Henri TandonnetHenri Tandonnet :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous avons pu le constater ces derniers jours, l’examen de cette proposition de loi suscite beaucoup d’intérêt et de réactions de la part de nos concitoyens, soucieux de leur alimentation et de celle de leurs enfants.

Je partage évidemment les deux objectifs essentiels inscrits dans ce texte : une meilleure alimentation et un ancrage territorial de proximité des approvisionnements reposant sur la richesse et la diversité de nos territoires.

Si je salue l’initiative prise par le groupe écologiste de proposer un texte ambitieux, il faut cependant confronter ces objectifs à la réalité. En effet, certaines difficultés méritent d’être soulignées

La première d’entre elles concerne la définition de l’ancrage territorial et de l’alimentation durable.

Autant nous détenons aujourd’hui des cahiers des charges précis pour les indicateurs de qualité tels que les IGP, les indications géographiques protégées, ou les AOP, les appellations d’origine protégée, visés par le texte, autant le concept d’alimentation durable reste vague.

Selon l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’alimentation durable est respectueuse de l’environnement et contribue à la sécurité alimentaire.

La proposition de loi, dans son article 1er, vise à définir cette alimentation selon des critères tels que les circuits courts, la saisonnalité, les signes d’identification de qualité, ou encore les mentions valorisantes. Toutefois, ces critères demeurent encore très flous.

Prenons l’exemple de mon département. Le Lot-et-Garonne, un département très rural avec 78 productions différentes, compte une zone agroalimentaire, avec 2 000 emplois et un marché d’intérêt national, qui a passé des contrats avec les acteurs de la restauration collective. L’agropole d’Agen prépare des plats à partir de produits locaux : les fameuses pommes de terre sarladaises ou les tomates séchées. Ces produits seront-ils considérés comme étant issus de l’agriculture durable ? Je n’ai pas de réponse claire à cette question.

La seconde difficulté réside dans la définition de la qualité figurant dans cette proposition de loi et qui soulève des questions.

L’approche en termes d’alimentation durable par le biais de produits saisonniers et de proximité est bonne ; elle conduit à privilégier encore une fois l’agriculture de territoire. Veillons cependant à ne pas y opposer l’agriculture conventionnelle.

Notre réglementation est aujourd’hui bien contrôlée, et les agriculteurs produisent des produits de qualité, il faut le dire. Soutenons certes notre agriculture biologique, mais n’oublions pas notre agriculture raisonnée.

Les efforts en ce sens doivent être soulignés. Je pense notamment à la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires. En la matière, des progrès importants ont déjà été réalisés, ce qui nous différencie de nos voisins européens, même si le manque d’étiquetage ne permet pas toujours de valoriser cette différence.

Enfin, il convient de préserver non seulement la qualité des produits, mais également un prix accessible pour la restauration collective.

Instaurer des critères tels qu’un seuil minimal de 20 % de produits bio, comme le prévoyait le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, peut être considéré comme une fausse bonne idée. Nous prenons le risque d’inciter les professionnels à se focaliser sur cet objectif et à s’approvisionner, pour le reste, en produits à bas coûts, de moindre qualité, ou encore en produits provenant des pays étrangers, ce qui irait totalement à l’encontre de l’objectif recherché.

De plus, imposer une part chiffrée de produits issus de l’agriculture biologique reviendrait à dévaloriser les autres critères d’alimentation durable, tels que l’approvisionnement en circuits courts ou la saisonnalité des produits.

Selon moi, il importe de laisser aux collectivités la variété d’initiatives que peut procurer le tissu local.

Avec ce texte, il s’agit de trouver le bon équilibre qui permette d’encourager l’alimentation durable et de proximité, sans pour autant légiférer en imposant des objectifs irréalisables.

Il faut préserver les mécanismes déjà en place, dont les outils fonctionnent. Je pense aux marchés d’intérêt national, qui ont des accords avec les opérateurs de la restauration collective. Ces derniers sont actuellement des vecteurs essentiels pour l’ancrage territorial de l’alimentation.

De surcroît, sans étude d’impact préalable, nous risquons d’alourdir les contraintes pour les collectivités. On ne peut pas dénoncer l’excès de normes et adopter sans arrêt des textes qui en imposent de nouvelles.

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