L’analyse des échanges que nous avons eus en commission des affaires économiques devrait nous inciter, mes chers collègues, à nous abstenir de faire de cette proposition de loi, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, un enjeu politicien.
N’opposons pas les différentes formes de production, de transformation et de commercialisation de nos produits agricoles. Agricultures biologique, raisonnée et conventionnelle sont non pas opposées, mais complémentaires. Cette diversité, pour autant que nous puissions la préserver – ce que je souhaite –, est une chance pour la France !
L’agriculture industrielle s’inscrit elle-même dans une perspective de qualité croissante de la production et de compétitivité accrue. Elle ne doit pas être opposée à l’agriculture des circuits courts. Sa contribution au commerce extérieur de notre pays est importante. Elle représente une chance et nous devons avoir aussi le souci de son développement.
Dans le cadre des règles communes et des interprétations licites du code des marchés publics, notamment en matière d’alimentation dite « durable », tous les types de production permettent donc de répondre à la demande. Le texte qui nous est proposé ne remet aucunement en question ce point important.
S’agissant plus particulièrement des productions locales organisées en circuits courts, les expériences réussies, quand bien même elles sont susceptibles d’améliorations permanentes, prouvent que, dans un cadre organisationnel pensé dans le souci d’un développement plus durable, qualités sanitaire et gustative à coûts maîtrisés, voire dans certains cas à moindres coûts, sont possibles.
Plateformes départementales de type Agrilocal, comme dans la Drôme et le Puy-de-Dôme, préservation d’outils d’abattage locaux, comme dans le Gers, afin de favoriser la commercialisation en circuits courts de viandes locales de haute qualité pour la restauration collective : nombreux sont les exemples démontrant que l’ancrage territorial de l’alimentation permet de conjuguer performances économique, sociale et environnementale, et que l’agroécologie a toute sa place dans l’économie rurale française.
Les groupements d’intérêt économique et environnemental, les GIEE, issus de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt – il s’en est créé près de 250 en un an –, montrent également que c’est par l’organisation collective que les défis de la qualité, de la performance et de la régularité de production peuvent être relevés.
Qui plus est, les actuels plans régionaux d’agriculture durable, que le présent texte tend à transformer en plans régionaux d’agriculture et d’alimentation durables, permettront d’associer, sous l’égide des régions, l’ensemble des acteurs des filières et leurs représentants, les chambres d’agriculture pouvant jouer, avec les donneurs d’ordre publics, un rôle moteur.
Pour cerner mieux encore l’impact positif de ce texte, je crois utile d’évoquer l’enjeu d’avenir que constitue notre capacité nationale à répondre, sur ce segment de l’alimentation durable, aux attentes et besoins croissants des consommateurs, à côté de la restauration publique collective.
Par effet de levier, les progrès d’organisation permis par ce texte faciliteront aussi l’accès aux marchés de grande consommation trouvant leurs débouchés dans la grande et la moyenne distribution. Ne prenons pas de retard sur ce sujet !
L’enjeu est stratégique, et certains pays européens l’ont bien compris qui, par une politique d’exportation offensive, sont en train de prendre pied dans nos propres réseaux de distribution. Notre commerce extérieur est aussi affecté : il y va de notre compétitivité agricole globale.
La crise de l’agriculture française pose également, on le sait, la question centrale de la juste répartition de la création de valeur, de l’amont à l’aval, du paysan au consommateur. Par ses dispositions incitatives, la proposition de loi qui nous est soumise tend à permettre une meilleure maîtrise de la chaîne de valeur par le producteur ou l’organisation de producteurs, sur le territoire même de production.
En approuvant ce texte, nous donnerons à l’une des composantes de l’agriculture française et à ses producteurs le soutien qu’ils méritent, en même temps que nous contribuerons au renforcement de l’économie, souvent fragile, de territoires ruraux en difficulté, en particulier ceux où se pratique la polyculture-élevage.
Pour ces raisons, nous soutiendrons cette proposition de loi.