Intervention de Emmanuel Hoog

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 9 mars 2016 à 10h25
Audition de M. Emmanuel Hoog président-directeur général de l'agence france-presse

Emmanuel Hoog, président-directeur général de l'Agence France-Presse :

Les présidents du conseil supérieur et de la commission financière sont des magistrats qui ont été désignés par la Cour des comptes et le Conseil d'État. Le conseil supérieur et la commission financière sont des organes indépendants et je ne connais pas leur calendrier. Toutefois depuis le renouvellement de ces instances, mes services sont très sollicités pour leur fournir des données sur l'entreprise, ses axes stratégiques, ses comptes. La capacité d'auditer la mission d'intérêt général constitue un levier de contrôle important pour la commission financière.

Le classement de la plainte à Bruxelles était conditionné à l'élaboration d'un COM. Il comportait la définition de la mission d'intérêt général et la trajectoire financière pour la période 2014-2018. Il a été signé en juin 2015. Ce fut la trajectoire financière qui fut la plus longue à définir.

L'AFP est l'une des trois grandes agences mondiales avec Associated Press et Reuters. La concurrence hors de nos frontières est rude, les prix sont gouvernés par la loi de l'offre et de la demande et soumis à une logique déflationniste. L'originalité de l'AFP est d'être à la fois une agence nationale et internationale, alors que les Allemands ou les Britanniques n'ont plus d'agence nationale. En France, si nous ne sommes pas confrontés à la concurrence internationale, nous subissons les effets de la crise des médias, qui réduisent leurs budgets. De grands groupes nous demandent des remises de 20, 30 voire 40 %. Une baisse de 30 % de nos prix en France représente 15 millions de chiffre d'affaires en moins. Notre part de marché augmente, chacun reconnaît la qualité de nos produits, mais nous subissons l'effet prix, à cause de la crise du marché publicitaire et des médias en France ou de la compétition à l'international.

Nous avons longtemps souffert de l'absence d'une offre de vidéos. Le texte et la photo ne suffisent pas et nous risquions de sortir du marché. Après cinq ans d'investissements lourds et de redéploiements, nous proposons une offre mature, qui fait de l'AFP un acteur mondial : 250 chaînes dans le monde reprennent nos vidéos, parmi elles la BBC, CNN, Al Jazeera, BFM... La vidéo représente 70 % du chiffre d'affaires de Reuters, 30 % de celui d'AP, alors qu'il y a cinq ans, cela ne représentait qu'1 % pour nous. Il y avait urgence à rattraper ce retard de 25 ans. Nous l'avons fait et nous réalisons désormais près de 200 vidéos par jour. Depuis juin, nous réalisons aussi une trentaine de live par semaine. Grâce à des redéploiements à effectifs quasi constants, nous proposons désormais une offre complète et mondiale. Nous avons dû adapter en conséquence nos infrastructures techniques. TF1 et France Télévisions se fournissent, outre leur production propre, chez Reuters, AP ou auprès des chaînes publiques européennes. J'espère qu'ils nous rejoindront bientôt comme clients.

Autre point, la spécialisation sur le sport. Comme nous, Reuters et AP sont des agences généralistes, avec une offre complète sous tous les formats. Mais dans la concurrence internationale, il importe de se différencier. Reuters a privilégié l'économie et les services financiers, AP se distingue grâce à la profondeur de sa couverture aux États-Unis. Peu de thématiques sont porteuses au niveau mondial. Le sport en est une. Il ne s'agit pas de transformer l'AFP en agence sportive mais de compléter sa dimension généraliste. 25 % de notre production était déjà consacrée au sport. De plus l'offre de nos concurrents est très centrée sur le marché nord-américain et les sports qui y sont pratiqués. Cela nous laissait le champ libre pour nous spécialiser sur le football, par exemple, et profiter de notre spécialisation historique sur le cricket. Nous disposions d'une base solide que nous approfondissons, ce qui nous permet de viser d'autres acteurs que les médias, comme les sponsors, les fédérations, les clubs, les marques. Là encore, nous procédons par redéploiements, dans un cadre économique contraint, d'autant plus que, comme nos produits appartiennent à tous nos clients une fois diffusés, ils sont facturés moins chers que s'ils étaient livrés en exclusivité. Nous devons compenser les rabais en gagnant sans cesse de nouveaux clients. Notre marge d'exploitation demeure néanmoins positive et le sera encore l'an prochain. Comme l'AFP n'a pas d'actionnaire ni de capitaux propres, la seule solution pour financer son développement est l'emprunt. Notre endettement reste toutefois limité, inférieur à celui de beaucoup de nos clients, et exclusivement consacré à l'investissement, dans le cadre d'un plan d'investissement pour développer les réseaux, la couverture vidéo, nos capacités. Ce plan a été construit au terme d'une analyse très discutée avec les banques : on ne nous a pas signé un chèque en blanc. Nous n'enregistrons pas de désabonnements, ce qui prouve que notre marque est forte. Le problème est celui de la solvabilité de nos clients mais notre stratégie est claire et comprise.

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