Monsieur le Président, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et le Pérou, signée à Paris le 15 novembre 2012, à l'issue de négociations entamées en 2003, à l'initiative des autorités péruviennes. Celles-ci avaient alors proposé de mettre à jour les clauses de la convention d'extradition de 1874 et de négocier deux autres conventions bilatérales, celle que nous examinons aujourd'hui et une autre relative au transfèrement de personnes condamnées qui vient juste d'être signée.
Cette convention répond au souhait du Pérou de se doter d'instruments modernes de coopération judicaire et à celui de la France de renforcer ses liens avec ce pays d'Amérique latine. Même si la communauté française au Pérou ne compte guère plus de 4 000 personnes.
Tout d'abord, quelques précisions sur le contexte de cette convention.
Entre la France et le Pérou, il existait une coopération ancienne mais réduite qui reposait sur la convention d'extradition de 1874, déjà mentionnée et qui vient d'être remplacée, le 1er mars 2016, par un nouveau traité d'extradition.
En outre, pour certaines infractions, une coopération spécifique s'exerce, au titre de conventions multilatérales spécialisées, adoptées sous l'égide des Nations unies à laquelle la France et le Pérou sont tous deux parties, comme la convention unique sur les stupéfiants, faite à New York le 30 mars 1961.
Aucun autre dispositif bilatéral ou multilatéral ne liant la France et le Pérou, la coopération judiciaire en matière pénale s'effectuait jusqu'à présent au titre de la réciprocité dans le cadre de la courtoisie internationale, ce qui signifie concrètement que tous les mandats judiciaires sont transmis par la voie diplomatique.
Depuis 2000, 27 demandes d'entraide ont été adressées par la France au Pérou et 95 par le Pérou à la France. Il s'agit d'affaires de corruption, de stupéfiants, ainsi que d'infractions à caractère financier, à la législation sur le patrimoine culturel et de droit commun (homicides, viols, vols). Côté péruvien, s'y ajoutent des dossiers de terrorisme et de crimes contre l'humanité. Selon les services du ministère des affaires étrangères que j'ai interrogés, ces demandes d'entraide judiciaire formulées par la France et le Pérou ont un contenu classique : réalisation d'auditions, de perquisitions et de saisies, identification de titulaires de lignes téléphoniques, demandes de déplacement de magistrats ou d'enquêteurs. Le délai d'exécution moyen des demandes françaises est de 14 mois tandis que celui des demandes péruviennes est de 11 mois.
Voyons maintenant le contenu de la convention proprement dit.
Bien que rédigée sur la base d'une trame proposée par le Pérou, les stipulations de cette convention s'inspirent largement des mécanismes de coopération existant au sein de l'Union européenne et dans le cadre du Conseil de l'Europe. Le Pérou a en outre accepté toutes les demandes d'ajouts de la Partie française. Les 40 articles reprennent donc, pour l'essentiel, les dispositions de la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 et de son protocole additionnel en date du 17 mars 1978 ; de la convention du 29 mai 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l'Union européenne et de ses deux protocoles additionnels du 16 octobre 2001 et du 8 novembre 2001.
Cette convention appelle donc peu de remarques dans la mesure où les obligations internationales qu'elle contient résultent d'engagements européens et internationaux qui ont déjà été intégrés dans notre ordre juridique et qu'aucune modification des dispositions législatives ou règlementaires actuellement en vigueur n'est à prévoir.
Je signale une particularité : afin de lutter contre les opérations de blanchiment d'argent et la corruption, la convention interdit de refuser l'entraide judiciaire pour des infractions fiscales ou en opposant le secret bancaire (Article 4). Elle offre également de larges possibilités d'obtenir des informations en matière bancaire comme l'identification de comptes ouverts au nom d'une personne physique ou morale, la communication des opérations bancaires réalisées pendant une période déterminée sur des comptes spécifiés ou encore le suivi instantané de transactions bancaires (Article 25), sans oublier la saisie de comptes bancaires (Article 1).
Elle facilite aussi la lutte contre les trafics transnationaux, qu'il s'agisse de biens culturels sensibles péruviens ou de stupéfiants, en permettant la perquisition, l'immobilisation de biens et la saisie de pièces à conviction ainsi que la confiscation des produits d'une infraction criminelle. Cet ajout obtenu par la France facilite la restitution de ces biens à leur propriétaire légitime (Articles 22, 23 et 24). Comme couramment entre pays non frontaliers, les interceptions téléphoniques, les livraisons surveillées, les équipes communes d'enquête et les enquêtes discrètes ou infiltrations ne sont pas expressément prévues, même si elles pourront être mises en oeuvre, au cas par cas, au titre de « l'entraide la plus large possible » qui figure dans la convention. Enfin des techniques modernes de coopération comme des auditions de témoins ou d'experts par vidéoconférence (article 24) pourront être utilisées.
Je recommande donc l'adoption de ce projet de loi qui devrait permettre de faciliter les flux de coopération judiciaire entre la France et le Pérou, eu égard à cette nouvelle sécurité juridique apportée aux magistrats des deux pays et à l'établissement de liens directs, sans passer par le ministère des affaires étrangères. D'ailleurs, le Pérou a achevé ses formalités de ratification en juin 2015.
L'examen en séance publique est fixé au mardi 15 mars 2016. La Conférence des Présidents a proposé son examen en procédure simplifiée, décision à laquelle je souscris.