Nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant l'approbation de l'accession de la France au protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux créés en vertu du Traité de l'Atlantique Nord.
L'accession de la France à ce Protocole, dit « Protocole de Paris » signé à Paris, en août 1952, n'est que la suite logique du retour de la France dans la structure du commandement intégrée de l'OTAN à partir de 2009, comme le montre le bref rappel historique suivant.
En 1966, sous la présidence du Général de Gaulle, la France, pays co-fondateur de l'OTAN, se retire du commandement militaire intégré et dénonce le Protocole de Paris qu'elle avait ratifié en janvier 1955. Ce sont 27 000 soldats et 37 000 employés qui quittent la France, soit 30 bases aériennes, terrestres et navales. La France ne quitte que le commandement intégré et pas l'OTAN, mais le retrait du Protocole a des conséquences importantes. Ainsi le Grand quartier général des puissances alliées en Europe, le SHAPE, basé à Rocquencourt, déménage en Belgique, où il se trouve toujours. La France occupe alors une position à part. Restée membre de l'Alliance, elle ne participe pas au groupe des plans nucléaires et ne met plus de forces à la disposition de l'OTAN, même si un lien opérationnel est maintenu, par un accord passé entre le Chef de l'État-major des armées et le commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR), pour permettre un engagement si nécessaire.
Après un rapprochement progressif entamé au début des années 1990, la France réintègre le commandement intégré de l'OTAN en avril 2009 en y mettant toutefois plusieurs conditions, notamment qu'aucune force française ne soit placée en permanence sous un commandement de l'OTAN en temps de paix. Elle réaffirme également son choix de ne pas participer au groupe des plans nucléaires. Mais, symbole de sa place pleine et entière dans le commandement intégré, la France obtient l'un des deux commandements stratégiques avec le poste de Commandant suprême allié pour la transformation (SACT), situé à Norfolk en Virginie (États-Unis).
Chacun se souvient des questionnements qui ont accompagné cette réintégration. Un audit a été lancé après les élections présidentielles de 2012 sur cette décision, confié par le Président de la République à Hubert Védrine.
En novembre 2012, le rapport Védrine, sur « Les conséquences du retour de la France dans le commandement militaire intégré de l'OTAN, et sur l'avenir de la relation transatlantique et les perspectives de l'Europe de la Défense » est très réservé sur la réalité de l'avenir de la défense européenne et approuve ce retour dans le commandement intégré. Il recommande que la France exerce une influence accrue dans l'Alliance « faute de quoi les inconvénients du retour l'emporteraient finalement ». Ce retour de la France dans la structure intégrée de commandement est confirmé par le Président Hollande et le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013.
Venons-en maintenant au Protocole de Paris. Composé de 16 articles, le projet de loi autorisant l'approbation de l'accession de la France audit Protocole se présente comme un simple accord administratif et technique qui définit le cadre juridique du stationnement des quartiers généraux militaires interalliés de l'OTAN et accorde une couverture juridique à leurs personnels. L'adopter n'est que la conséquence logique de la réintégration. Cet accord administratif ne modifie en rien la position de la France au sein de l'OTAN, qui se traduit par les quatre réserves suivantes : la préservation d'une liberté d'appréciation totale pour la contribution de la France aux opérations de l'OTAN, le maintien de son indépendance nucléaire, la garantie qu'aucune force française ne sera placée en permanence sous un commandement de l'OTAN en temps de paix et, enfin, la non-participation au financement commun de certaines dépenses décidées avant notre retour dans la structure de commandement.
Pour l'essentiel, les quartiers généraux et leurs personnels se voient conférer une grande partie des droits et obligations que la convention dite « SOFA (acronyme de « Status Of Forces Agreement ») OTAN », ratifiée par la France en 1952, donne aux États d'origine et à leurs forces lorsque celles-ci séjournent en France. L'extension du champ d'application du « SOFA OTAN » a déjà été approuvée par notre commission pour d'autres pays, tels que le Lituanie et la Croatie. Cela ne signifie pas une installation massive de GI en France, comme certains l'ont prédit.
L'application de ce Protocole permettra de faciliter la vie quotidienne des personnels militaires et civils envoyés par les autres pays de l'Alliance dans les quartiers généraux situés en France, ainsi que des personnes à leur charge, en leur octroyant notamment les traditionnels privilèges diplomatiques en matière de juridictions, d'exonérations fiscales ou douanières et le bénéfice de règles protectrices concernant les dommages commis ou subis, c'est-à-dire en fait, en leur donnant les mêmes droits que ceux dont disposent réciproquement les militaires français travaillant dans les quartiers généraux de l'OTAN partout dans le monde. Pour l'instant, l'accueil de ces personnels étrangers se fait sur la base d'arrangements techniques qui offrent moins de sécurité juridique et qui ne sont pas nécessairement harmonisés. Je vous précise, mes chers collègues, que 240 militaires issus de pays membres de l'OTAN affectés actuellement en France seraient susceptibles de bénéficier de l'application du Protocole de Paris : les 210 militaires affectés dans les états-majors, les forces ou en coopération de formation et les 30 militaires élèves ou auditeurs dans les écoles.
L'accession à ce protocole simplifiera également le travail des personnels de l'OTAN appelés à venir ponctuellement sur le territoire français en dehors des exercices, qui sont, eux, déjà couverts par le « SOFA OTAN ». On m'a ainsi fait part des difficultés rencontrées pour l'organisation d'un séminaire de l'OTAN à Paris en 2014, notamment pour des questions de droits de douane et de TVA. Une facilité fiscale de moins de 10 000 euros a coûté un temps administratif exorbitant, Bercy ne pouvant respecter les engagements pris par la Défense pour l'organisation de ce séminaire, faute de support juridique.
L'application du Protocole de Paris aux quartiers généraux situés sur le territoire français améliorera aussi le fonctionnement des quartiers généraux en leur octroyant des exonérations fiscales et douanières, la possibilité de détenir des devises et d'avoir des comptes dans n'importe quelle monnaie, des règles de liquidation des acquis, de restitution du foncier et des infrastructures en cas de diminution ou de cessation d'activité ainsi que l'inviolabilité des archives. Les quartiers généraux suprêmes se voient aussi reconnaître la capacité juridique.
L'application du Protocole de Paris restera de fait limitée. En effet, actuellement, la France n'a pas de quartiers généraux qui répondraient à la définition de l'article 1er du Protocole sur son territoire national. Relèvent de l'article 1er : le Grand quartier général ou SHAPE de Mons, le quartier général du commandement allié transformation de Norfolk, le commandement des forces interarmées à Brunssum aux Pays-Bas, le commandement des forces interarmées à Naples en Italie, ainsi que les commandements alliés aérien à Ramstein en Allemagne, maritime à Northwood au Royaume-Uni et terrestre à Izmir en Turquie.
L'article 14 permet au Conseil de l'Atlantique Nord, à la demande du pays hôte et sous réserve de l'unanimité du Conseil, d'étendre le champ d'application du Protocole à tout « quartier général militaire international » ou à toute « organisation militaire internationale ». À ce titre, la France pourrait ainsi demander à bénéficier d'une décision dite « d'activation » pour le quartier général du Corps de Réaction Rapide-France de Lille, le Quartier général du corps de réaction rapide européen de Strasbourg, le Quartier général de l'état-major de la force aéromaritime française de réaction rapide de Toulon et le centre d'analyse et de simulation pour la préparation aux opérations aériennes (CASPOA) de Lyon Mont Verdun. C'est une liste maximale, il n'est pas certain que nous le demanderons pour l'ensemble de ces sites. Peut-être pourra-t-on enfin créer un centre d'excellence certifié OTAN pour valoriser l'expertise du service des essences des armées, car sur 24 centres d'excellence OTAN, il n'y en a pour l'instant qu'un seul en France. Il apparaît plus simple aux alliés constituant ces entités multinationales de s'installer dans des États qui ont adhéré au Protocole de Paris. Chaque État balte par exemple, je vous rappelle que ces Pays ont rejoint l'OTAN en 2004, a déjà le siège d'un centre d'excellence dans sa capitale.
En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi. En effet, le Protocole de Paris va simplifier la vie des personnels étrangers dans les quartiers généraux situés sur le territoire national et harmoniser leurs statuts, ce à quoi nos alliés sont très attentifs. L'attractivité de la France devrait se trouver renforcée et au-delà, son influence au sein de l'OTAN grâce à la ratification de ce Protocole. J'ajoute que la ré-adhésion à ce Protocole ne porte aucunement atteinte à la règle du contrôle politique permanent de l'emploi des forces françaises puisque le placement de quartiers généraux sous un commandement de l'OTAN ne pourra résulter que d'une décision politique française.
Enfin, l'examen en séance publique est fixé au mardi 15 mars 2016. La Conférence des Présidents a proposé son examen en procédure normale.