Intervention de Chantal Jouanno

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 9 mars 2016 : 1ère réunion
Les femmes victimes de la traite des êtres humains — Examen du rapport d'information et des propositions de recommandations de mmes corinne bouchoux hélène conway-mouret joëlle garriaud-maylam brigitte gonthier-maurin chantal jouanno et mireille jouve

Photo de Chantal JouannoChantal Jouanno, présidente, co-rapporteure :

Notre ordre du jour concerne le rapport sur les femmes, victimes de la traite des êtres humains.

Nous voici au terme d'un travail de cinq mois, puisque nous avons commencé nos réflexions le 22 septembre 2015, en entendant la coordinatrice européenne pour la lutte contre la traite des êtres humains.

Je voudrais tout d'abord féliciter notre secrétariat pour la parfaite organisation de la journée d'hier, très réussie de l'avis unanime. Les deux manifestations de l'après-midi (rencontre avec les Meilleures ouvrières de France et projection du documentaire Des femmes et des hommes, de Frédérique Bedos) ont nécessité un travail de préparation important et un suivi compliqué jusqu'au soir. Mais les résultats étaient au rendez-vous car nous avons vraiment eu une belle journée au Sénat, même si nous persistons à regretter de ne pas avoir eu un véritable temps d'échanges avec notre président, Gérard Larcher.

Mes remerciements s'adressent aussi à tous ceux et celles qui ont contribué à ce travail qui nous réunit aujourd'hui sur les femmes, victimes de la traite des êtres humains.

Puisque nous en sommes aux « coups de chapeau », je voudrais saisir l'occasion de cette réunion pour rendre hommage aussi, en notre nom à tous, aux associations qui, dans le domaine de la lutte contre la traite, sont des acteurs de terrain à part entière. Mais Brigitte Gonthier-Maurin en parlera plus en détails tout à l'heure.

J'en reviens à notre rapport d'information.

De manière symbolique, l'un des moments forts de ce travail a été la table ronde du 25 novembre 2015 qui a réuni des acteurs de la lutte contre la traite, principalement des associations : la traite des êtres humains s'inscrit en effet dans le continuum des violences faites aux femmes, puisque 70 % de ses victimes sont des femmes et des filles, et que, inversement 68 % des personnes poursuivies et 72 % des individus condamnés pour faits de traite sont des hommes.

De manière tout aussi symbolique, nous achevons nos travaux le lendemain de la Journée internationale des droits des femmes et à la veille du dernier passage en séance publique de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel.

Dans ce rapport, on retrouve des échos d'autres thèmes de travail déjà retenus par notre délégation : prostitution et viols de guerre, entre autres exemples.

Les nombreux travaux que les deux assemblées parlementaires ont consacrés à la prostitution, notamment dans le cadre de la proposition de loi dont la procédure parlementaire touche à sa fin, ont montré la connexion entre la prostitution et les réseaux de criminalité internationale responsables des trafics d'êtres humains, de drogue, d'armes et d'organes.

Rappelons-le, la traite des êtres humains « rapporte » chaque année 32 milliards de dollars et trois milliards pour la seule Europe. C'est énorme !

Notre réflexion s'est inscrite dans une actualité brûlante, comme l'ont montré :

- le lien entre la traite des êtres humains et la crise des migrants, illustré par le déplacement de certaines d'entre nous dans la jungle de Calais, en janvier dernier ;

- et le lien entre la traite et les agissements de groupes comme Daech, ainsi que l'a souligné notre rencontre avec une rescapée de Daech, le 18 février dernier. Dans le référentiel de ces groupes, les femmes et les filles ne sont que des marchandises qui s'achètent et se vendent.

L'importance de la traite des êtres humains pour notre délégation est renforcée par la présence d'une représentante par groupe parmi les co-rapporteures. Le fait que nous puissions dépasser les clivages politiques pour travailler ensemble à faire avancer les droits des femmes est pour moi très important et je suis contente que cela ait pu être la « marque de fabrique » de notre délégation pour trois rapports : femmes militaires en avril 2015, bilan de la lutte contre les violences conjugales en février 2016 et le présent rapport sur les femmes, victimes de la traite.

Chacune de nous va donc successivement présenter un aspect de notre rapport, qui inscrit la politique publique de lutte contre la traite conduite par notre pays dans son cadre international, rappelle que cette politique est récente puisque nous n'en sommes qu'à notre premier plan de lutte, indique les pistes d'amélioration possibles, s'agissant notamment des mineur-e-s, de la formation des magistrats et de l'indispensable sensibilisation du grand public, et montre les liens entre le phénomène de la traite des êtres humains et la crise des migrants, dans un contexte d'immense vulnérabilité pour ces populations soumises aux agissements de passeurs sans scrupules.

Les recommandations qui le concluent concernent la gouvernance de la lutte contre la traite, son cadre juridique, ses moyens budgétaires et humains, son environnement diplomatique et la formation des acteurs.

Je donne donc sans plus tarder la parole à Joëlle Garriaud-Maylam pour préciser le cadre international dans lequel s'inscrit en France la politique de lutte contre la traite des êtres humains.

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