Intervention de Joëlle Garriaud-Maylam

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 9 mars 2016 : 1ère réunion
Les femmes victimes de la traite des êtres humains — Examen du rapport d'information et des propositions de recommandations de mmes corinne bouchoux hélène conway-mouret joëlle garriaud-maylam brigitte gonthier-maurin chantal jouanno et mireille jouve

Photo de Joëlle Garriaud-MaylamJoëlle Garriaud-Maylam, co-rapporteure :

Merci, madame la présidente.

Le cadre juridique international de la lutte contre la traite des êtres humains repose sur plusieurs textes essentiels adoptés dans le cadre de l'ONU, du Conseil de l'Europe, de l'Union européenne ou de l'Organisation internationale du travail (OIT) :

- la convention des Nations Unies contre la criminalité organisée et son protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants, dit protocole de Palerme (15 novembre 2000) : il s'agit du premier instrument par lequel la communauté internationale s'est dotée d'une définition commune de la traite des personnes ;

- la convention du Conseil de l'Europe contre la traite des êtres humains, dite convention de Varsovie (16 mai 2005), dont le champ d'application est plus large que le protocole, puisqu'elle vise toutes les formes de traite, nationales ou transnationales, qu'elles soient liées ou non à la criminalité organisée. Un organe conventionnel, le GRETA, a pour mission de veiller à la bonne application de la convention : son action est décisive pour encourager les états à progresser dans la mise en oeuvre de leur politique de lutte contre la traite et son président, qui est Français, a été entendu dans le cadre de la préparation du rapport ;

- l'Union européenne n'est pas en reste, à travers la directive 2011/36/UE relative à la prévention de la traite, la Stratégie en vue de l'éradication de la traite pour la période 2012-2016 et la mise en place d'une coordinatrice, Myria Vassiliadou, que nous avons rencontrée en septembre, dont la mission est notamment d'améliorer la coopération et la cohérence des actions menées par les institutions européennes et les États membres en ce domaine ;

- enfin, il convient de mentionner le protocole de l'OIT sur le travail forcé, qui vise à mieux prévenir et à renforcer la lutte contre le travail forcé, notamment dans le contexte de la traite des êtres humains. Le Sénat a adopté le 28 janvier dernier le projet de loi autorisant la ratification de ce protocole, qui a été transmis à l'Assemblée nationale.

Le travail forcé constituant l'une des formes de la traite, l'une de nos recommandations, qui devrait d'ailleurs être satisfaite d'ici la fin du mois de mars, est d'adopter au plus vite cet instrument juridique.

Je voudrais maintenant plus particulièrement insister sur l'action internationale de notre pays pour lutter contre la traite. La France étant à la fois un pays de destination et de transit de la traite, elle mène une action diplomatique volontariste pour lutter contre ce phénomène, qui repose sur une approche globale (prévention, répression et accompagnement des victimes) associant l'ensemble des acteurs (justice, forces de l'ordre, services sociaux, société civile), autour de trois axes : la promotion de la ratification des conventions internationales par l'ensemble des États parties et leur pleine mise en oeuvre ; la participation dans les instances internationales, à travers, par exemple, des contributions à l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) ; la conduite d'action de coopération multilatérale et bilatérale.

Dans le contexte budgétaire actuel, on constate une réduction des moyens du ministère des affaires étrangères. Cette tendance obère la capacité de suivi, d'influence et d'action de notre diplomatie dans le domaine de la lutte contre la traite.

En matière d'action internationale, nous recommandons donc au Gouvernement de poursuivre la promotion, dans les enceintes internationales, de la ratification par tous les États des conventions visant à lutter contre la traite des êtres humains, dans toutes ses dimensions, et de maintenir, voire d'augmenter les contributions à l'ONUDC et aux instances internationales compétentes en matière de lutte contre la traite.

- Enfin, pour conclure, je souhaiterais dire deux mots de l'exemple britannique, qui nous a été présenté par une délégation de personnes membres de la Fondation pour la lutte contre la traite des êtres humains et l'esclavage (Human trafficking Foundation), que nous avons reçue au Sénat le 13 janvier dernier. Leur action pourrait en effet constituer une source d'inspiration possible pour notre pays en matière de lutte contre la traite.

Le Parlement britannique a adopté en mars 2015 le Modern Slavery Act, loi contre l'esclavage moderne qui vise à améliorer la protection des victimes et à alourdir les sanctions applicables. Elle comprend aussi une section relative à la transparence des chaînes d'approvisionnement des entreprises, le but étant d'instaurer une logique vertueuse dans laquelle la transparence sur les fournisseurs entraînera de facto une hausse des standards en matière de lutte contre la traite.

Le Royaume-Uni a également adopté en novembre 2014 un plan stratégique pour les années 2015 à 2017, et nommé un commissaire indépendant en charge de la lutte contre l'esclavage moderne.

Les membres de la fondation que nous avons rencontrés oeuvrent depuis plusieurs années pour établir un réseau de parlementaires de tous les pays européens susceptibles d'agir contre la traite des êtres humains, et comptent sur le Sénat pour faire vivre cette dynamique en France. Ils nous ont invités à venir présenter les conclusions de notre rapport à Londres.

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