Intervention de Mireille Jouve

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 9 mars 2016 : 1ère réunion
Les femmes victimes de la traite des êtres humains — Examen du rapport d'information et des propositions de recommandations de mmes corinne bouchoux hélène conway-mouret joëlle garriaud-maylam brigitte gonthier-maurin chantal jouanno et mireille jouve

Photo de Mireille JouveMireille Jouve, co-rapporteure :

L'arsenal juridique national de lutte contre la traite des êtres humains est relativement complet. Il tire les conséquences, dans notre droit, des principaux instruments internationaux que nous a présentés Joëlle Garriaud-Maylam.

Pour autant, la définition actuelle de la traite des êtres humains, telle qu'elle figure dans le code pénal, bien que récemment élargie à plusieurs formes d'exploitation (travail forcé, réduction en servitude, réduction en esclavage), n'intègre pas le cas des mariages forcés, alors que, comme l'a souligné l'ambassadrice Michèle Ramis, « le mariage forcé est souvent une porte d'entrée dans la traite ».

Nous recommandons donc qu'une référence explicite complète la définition de la traite à l'article 225-4-1 du code pénal.

Au-delà de la définition de la traite et des sanctions applicables, notre arsenal législatif prévoit un certain nombre de droits au profit des victimes de la traite : des droits sociaux, un accueil sécurisant, dont nous parlera Brigitte Gonthier-Maurin, et une protection accrue en matière d'entrée et de séjour.

Sur ce dernier point, je rappelle que l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) prévoit la délivrance d'une carte de séjour temporaire à l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse de traite. Cette carte est renouvelée pendant la durée de la procédure pénale et, en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident est délivrée de plein droit à l'étranger ayant déposé plainte ou témoigné.

Dans les faits, les victimes de la traite restent insuffisamment informées de leurs droits en ce domaine, et on constate des pratiques hétérogènes selon les préfectures. Une instruction du ministère de l'intérieur datant de mai 2015 devrait permettre d'améliorer la situation, mais on ne peut encore dresser un bilan de son efficacité.

C'est pourquoi, nous recommandons une harmonisation des pratiques préfectorales en ce qui concerne la délivrance des titres de séjour au profit des victimes de la traite.

J'en viens maintenant à la MIPROF et au premier plan d'action national contre la traite. La mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF), créée en 2013, assure la coordination nationale en matière de lutte contre la traite, conformément à la convention de Varsovie.

Malgré son champ d'action très étendu, elle ne dispose pas de crédits spécifiques pour conduire son action, qui est entravée par des moyens budgétaires et humains insuffisants. En outre, la logique interministérielle, qui devrait impliquer les ministères de l'intérieur, de la justice et des affaires sociales en particulier, paraît devoir être renforcée.

En effet, son champ de compétences requiert un travail de coopération étroit entre les différents services des ministères, ainsi qu'une approche pluridisciplinaire, qui vaut d'ailleurs tant pour la traite que pour les violences conjugales.

C'est pourquoi nous recommandons le rattachement de la MIPROF au Premier ministre.

La MIPROF a été chargée de préparer le premier Plan d'action national contre la traite des êtres humain pour la période 2014-2016, qui marque l'instauration d'une politique publique à part entière en ce domaine.

Présenté en mai 2014, ce plan constitue une réelle avancée car il définit pour la première fois les fondements d'une politique publique transversale de lutte contre la traite sous toutes ses formes, en retenant une approche intégrée qui englobe la prévention, la protection et la répression.

Il contient 23 mesures, réparties entre trois grandes priorités :

- identifier les victimes pour mieux les protéger (11 mesures) ;

- poursuivre et démanteler les réseaux de la traite (8 mesures) ;

- faire de la lutte contre la traite une politique publique à part entière (4 mesures).

La Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) a été nommée rapporteur indépendant, chargée de mener l'évaluation de cette politique.

Or, le plan n'est que partiellement mis en oeuvre, en raison de moyens insuffisants. Il faut espérer que la promulgation de la loi sur le système prostitutionnel permettra de renforcer les moyens budgétaires de la MIPROF.

Nous recommandons donc de garantir les moyens budgétaires et humains nécessaires pour permettre la mise en oeuvre des 23 mesures du plan.

Nous rappelons aussi que, en matière de traite, nous n'en sommes qu'au tout premier plan d'action. On peut donc espérer que les efforts réels entrepris par les pouvoirs publics produiront progressivement des résultats tangibles, au même titre que les progrès réalisés en matière de violences faites aux femmes, après quatre plans interministériels successifs.

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