Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 9 mars 2016 : 1ère réunion
Les femmes victimes de la traite des êtres humains — Examen du rapport d'information et des propositions de recommandations de mmes corinne bouchoux hélène conway-mouret joëlle garriaud-maylam brigitte gonthier-maurin chantal jouanno et mireille jouve

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin, co-rapporteure :

En effet, madame la présidente, c'est un sujet qui me tient particulièrement à coeur. Nous le savons bien à la délégation, les associations représentent des partenaires indispensables de la lutte contre toutes les violences faites aux femmes. La lutte contre la traite des êtres humains n'échappe pas à ce constat et les associations effectuent dans ce domaine un indispensable travail d'expertise et de proximité sur le terrain, qui leur permet d'accompagner les victimes avec l'humanité que requiert leur situation de très grande vulnérabilité.

En effet, elles leur offrent un accueil et une écoute privilégiés, une information primordiale sur leurs droits, une aide psychologique et sociale, et, si nécessaire, sont en mesure de les orienter vers des services spécialisés.

N'oublions pas que les victimes sont souvent en situation de stress post-traumatique et qu'un accueil purement institutionnel ne suffit pas.

Les associations jouent également le rôle de « lanceurs d'alerte » susceptibles d'identifier les failles constatées sur le terrain dans la politique publique, et de détecter les points d'urgence ou de vigilance particuliers.

Par exemple, au cours de la table ronde du 25 novembre organisée par la délégation, l'un des participants a mis en évidence une identification insuffisante de la problématique de la traite des êtres humains dans les départements d'outre-mer, ce qui a pour conséquence, dans ces territoires, une absence de prise en charge des victimes et de formation des professionnels.

Nous avons rencontré ces associations, et vous les connaissez pour la plupart, mais je tiens à les citer pour leur rendre hommage : Hors la Rue, l'Amicale du Nid, ECPAT France, le Comité contre l'esclavage moderne (CCEM), le collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains », le dispositif national Ac.Sé (accueil sécurisant) et France Terre d'Asile.

Je souhaiterais présenter plus particulièrement les deux dernières d'entre elles, dont j'ai pu constater le rôle décisif sur le terrain, au cours de deux déplacements.

Tout d'abord, le dispositif national Ac.Sé a été créé en 2001 par l'association ALC, qui en assure la coordination nationale. Il repose sur un réseau de 70 associations et centres d'hébergement, répartis sur 40 départements. Il a notamment pour vocation de mettre à l'abri et de prendre en charge de manière globale de jeunes femmes victimes de réseaux criminels et de proxénétisme, qu'elles soient françaises ou étrangères, en situation régulière ou irrégulière. Il fonctionne sans condition de coopération dans des procédures judiciaires.

Avec Hélène Conway-Mouret, nous nous sommes rendues à Nice le 15 janvier 2016 où nous avons rencontré les bénévoles de l'Association ALC-dispositif national Ac.Sé. Nous avons également pu visiter et rencontrer les équipes du Centre d'hébergement et de réinsertion sociale des Lucioles.

Nous avons constaté que le dispositif Ac.Sé a fait la preuve de son efficacité, la diversification des modalités d'accueil permettant dans la plupart des cas de répondre aux besoins spécifiques de chaque victime. Par exemple, en 2014, la coordination du dispositif Ac.Sé a été sollicitée pour 79 demandes d'orientation, en provenance de 23 villes différentes.

J'en viens maintenant à l'association France Terre d'Asile. Je rappelle qu'elle a été fondée en 1970 et qu'elle a pour principal objectif le maintien et le développement de l'asile, en visant à garantir en France l'application de toutes les conventions internationales pertinentes en ce domaine. Elle soutient à ce titre des actions en faveur des réfugiés, de l'intégration des migrants et de l'accompagnement et de la protection des mineurs isolés étrangers. Elle nous a servi de guide au cours de notre visite dans la « jungle » de Calais que je qualifierais d'éprouvante.

Je veux rendre ici un hommage tout particulier aux membres de cette association qui effectuent un travail extrêmement difficile, dans le contexte actuel de crise migratoire, oeuvrant en faveur de populations extrêmement vulnérables et démunies, plus particulièrement des femmes et des enfants. Je suis pour ma part très inquiète car je crains que le démantèlement des camps ait pour conséquence de dégrader encore les conditions de survie des hommes et des femmes qui s'y trouvent.

L'association France Terre d'Asile a proposé la mise en oeuvre d'un projet d'identification, d'information et d'orientation des victimes de la traite dans le Calaisis sur une période de dix-huit mois, qui s'inscrit dans le cadre du plan national et qui doit s'appuyer sur une coordination étroite avec les acteurs locaux et nationaux, institutionnels et associatifs.

Pour autant, malgré leur rôle incontournable, leur expertise et leur expérience du terrain, les associations ne sont pas toujours suffisamment sollicitées dans le cadre de la politique de lutte contre la traite des êtres humains.

Nous recommandons en conséquence de recourir plus systématiquement à l'expertise du secteur associatif pour définir les outils visant à identifier, à accompagner et à protéger les victimes.

Les besoins sont immenses et les associations font face à un manque de moyens susceptibles d'entraver leur capacité d'action dans la durée. Le manque de visibilité et l'incertitude pesant sur leurs subventions publiques peuvent aller jusqu'à remettre en cause leur pérennité, comme nous l'a rappelé l'un des participants à la table ronde du 25 novembre.

Face à ce constat, nous recommandons une sanctuarisation dans la durée des moyens budgétaires et humains qui leur sont attribués.

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