Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, nous entamons un débat sur le rapport que le Gouvernement s’était engagé à remettre au Parlement lors de l’actualisation de la loi de programmation militaire votée en juillet 2015, afin d’informer la représentation nationale des orientations arrêtées pour la formalisation d’une nouvelle doctrine d’emploi des armées sur le territoire national, devenu le premier théâtre d’engagement en volume. Je tiens à remercier le Gouvernement de tenir cet engagement.
Je salue tout d’abord le dévouement de nos 10 000 militaires mobilisés depuis plus d’un an sur le territoire national, lesquels contribuent au quotidien, aux côtés des forces de police et de gendarmerie, à protéger nos concitoyens, parfois dans des conditions extrêmement difficiles, certains ayant cumulé jusqu’à cinq ou six déploiements.
La France est directement exposée à la menace terroriste. Comme vous l’avez déjà souligné dans cet hémicycle, monsieur le ministre, il existe une imbrication croissante entre la sécurité de la population sur le territoire national et la défense de notre pays à l’extérieur.
Il n’y a donc plus de dissociation entre la menace extérieure et la menace intérieure : l’engagement des militaires qui interviennent en appui de la mission conduite par les forces de sécurité intérieure se place désormais dans la continuité des OPEX menées dans la bande sahélo-saharienne ou au Levant pour lutter contre Daech.
Sentinelle est mise en œuvre par les mêmes soldats, puisqu’il n’existe qu’une seule armée à la disposition du chef de l’État, et non une armée territoriale et une armée extérieure.
C’est la prise en compte de cette évolution de la menace terroriste, depuis les attentats de janvier et de novembre 2015, où des Français, nés en France, s’attaquent à leur propre patrie, qui a conduit à engager un changement profond d’échelle et de nature des interventions terrestres sur notre territoire. C’est cette même menace qui nécessite, aujourd’hui, le maintien du contrat de protection à 10 000 hommes et un emploi des armées de plus en plus réactif, souple et manœuvrier.
Il était en effet nécessaire de repenser le plan Vigipirate. Le chef de l’État a pris la décision de pérenniser le contrat opérationnel de protection des armées et d’en tirer les conséquences en termes d’effectifs dans le cadre de la loi d’actualisation de la programmation militaire. Pour s’adapter au nouveau contexte sécuritaire post-attentats, c’est principalement l’armée de terre qui a dû se recentrer sur sa mission de protection, en plus de ses autres missions que sont la projection extérieure, la prévention et la dissuasion.
Pour ce faire, le rapport que nous examinons aujourd’hui ne prévoit pas de modification du cadre juridique existant : le régime de réquisition des armées par le pouvoir civil reste pertinent. Sentinelle ne peut pas être un simple complément d’effectifs aux forces de sécurité intérieure. C’est la raison pour laquelle sont conduites de véritables opérations militaires, sur le même modèle que les OPEX : elles sont placées sous le commandement du chef d’état-major des armées et déclenchées par le chef de l’État au terme d’un conseil de défense et de sécurité nationale.
L’intérêt majeur du recours au contrat de protection des armées tient à la capacité de réaction immédiate que constitue ce réservoir de forces, à sa souplesse d’emploi et à sa modularité.
En effet, si l’opération Sentinelle a permis, dans un premier temps, de protéger statiquement les sites les plus sensibles, elle a progressivement adopté une plus grande flexibilité dans ses modes d’action, notamment depuis les attaques terroristes simultanées du 13 novembre 2015, dont les cibles étaient indiscriminées. Il fallait apporter une réponse claire, un signe fort de l’engagement plein et entier des forces armées au service de la Nation et de sa protection.
Les forces armées disposent en effet de capacités que les policiers n’ont pas, que ce soit en termes d’infrastructures, de drones, de génie ou encore de lutte contre la menace nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique. Elles ont également une grande expérience en matière de planification des missions et de commandement. Enfin, le déploiement visible de la force armée sur l’ensemble du territoire maximise l’effet dissuasif face aux actes terroristes.
L’armée de terre a-t-elle, pour autant, vocation à exercer sa mission de protection du territoire national de façon pérenne ? Si nous répondons positivement, alors nécessairement nous devrons mieux préciser son rôle, ses actions et ses missions sur le territoire, sans négliger les outre-mer, en particulier les forces de gendarmerie et les forces armées en Guyane, qui mènent depuis 2008, avec la mission Harpie, une lutte acharnée contre l’orpaillage illégal. Si le bilan présenté dans ce rapport est encourageant, nous peinons encore à en limiter l’ampleur.
Aussi, puisque les effectifs des forces armées en Guyane n’ont pu être renforcés, nous devons redoubler d’efforts pour améliorer la coopération transfrontalière. Les opérations conjointes se développent avec les forces brésiliennes, mais restent limitées du côté du Surinam. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser les perspectives de coopération avec ce pays à moyen terme ?
Par ailleurs, je souhaite rappeler qu’en raison du haut niveau de mobilisation de nos forces, nous n’atteignons pas actuellement notre objectif de temps d’entraînement de nos soldats. Pour ce faire, je le rappelle, nous devrions absolument passer de 64 à 90 jours.