Intervention de Leila Aïchi

Réunion du 15 mars 2016 à 14h30
Rapport au parlement relatif aux conditions d'emploi des forces armées lorsqu'elles interviennent sur le territoire national pour protéger la population — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Leila AïchiLeila Aïchi :

Notre débat, qui s’inscrit dans un contexte difficile et inédit, revêt une importance toute particulière. Mais avant tout, je tiens à saluer, au nom de l’ensemble du groupe écologiste du Sénat, la détermination et le courage de nos soldats, que ce soit dans le cadre de leur engagement sur le territoire national ou sur les différents théâtres d’opérations à l’étranger.

Ces hommes et femmes qui s’engagent au quotidien pour notre sécurité sont en effet au cœur du dispositif dont nous débattons aujourd’hui. Nous ne le répéterons jamais assez, ils sont la première richesse de nos armées et la meilleure réponse aux menaces auxquelles nous sommes confrontés. Aussi, les annonces que vous avez faites la semaine dernière, monsieur le ministre, concernant la réserve militaire, particulièrement précieuse aujourd’hui, nous paraissent aller dans le bon sens.

Nous devons impérativement mener une réflexion commune et sur le long terme, afin de définir les missions les plus adaptées aux risques d’aujourd’hui et de demain. Nous pensons donc que la présentation au Parlement de ce rapport sur les opérations intérieures, décidé lors de l’actualisation de la loi de programmation militaire de juillet 2015, et le débat qui a lieu aujourd’hui sont des signaux positifs.

Nous considérons en effet que le Parlement a toute sa place dans la réflexion stratégique autour de l’emploi des armées sur le territoire national. Plus encore, nous pensons que le Parlement devrait être davantage associé, dans la mesure du possible, en amont, et non pas seulement exercer un contrôle a posteriori.

Dans l’esprit de la Constitution et concourant au renforcement du lien entre armée et nation, nous devons encourager les débats contradictoires tout au long de l’engagement de nos forces, de surcroît sur le territoire national. Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas adopter le même dispositif de contrôle parlementaire des opérations intérieures que celui que nous exerçons aujourd’hui pour les OPEX ?

En effet, comme vous le soulignez tout au long de votre rapport, l’engagement de nos soldats sur le territoire national n’est en rien une décision anodine, bien au contraire. Je sais que vous en mesurez toute la gravité et je tiens à saluer ici votre action, dans le contexte particulièrement difficile que nous traversons au niveau tant international que national. Je tiens également à souligner la réactivité et la justesse d’analyse de l’état-major dans cette crise internationale.

À plusieurs reprises, dans ce rapport, vous rappelez que l’opération Sentinelle, déployée après les attentats de janvier 2015 et renforcée après ceux de novembre, est un engagement « inédit ». Sur ce point-là, nous sommes d’accord.

Toutefois, et c’est là que nous souhaiterions obtenir davantage de précisions, vous ajoutez que cet engagement est « durable ». Or cette situation ne peut être pérenne : pour garantir l’effet dissuasif et l’efficacité de ce dispositif, ce dernier doit être clairement défini dans le temps. De surcroît, il semble difficile d’ignorer la multiplication des engagements et le contexte budgétaire actuel.

Le territoire national est devenu le premier théâtre d’engagement du ministère de la défense en volume, avec des effectifs militaires dédiés multipliés par cinq en 2015. Même si la situation exceptionnelle que nous traversons l’impose, la présence massive de soldats sur notre territoire ne peut avoir vocation à s’inscrire dans le long terme.

Il ne s’agit pas, pour nous, de remettre en cause le travail de nos soldats dans le cadre de l’opération Sentinelle. Un tel déploiement, faisant suite aux terribles attentats qui ont frappé notre pays, était nécessaire. Toutefois, nous pensons que cet engagement ne peut pas être durable, comme vous l’affirmez, auquel cas le partage des compétences voudrait que ce soit le ministère de l’intérieur qui se charge du maintien de l’ordre et de la sécurité du territoire.

J’attire également votre attention sur les ajustements que vous comptez apporter, dans le cadre de la réforme pénale, à « l’irresponsabilité pénale » des fonctionnaires de police, des gendarmes et des militaires déployés sur le territoire national dans le cadre d’une réquisition. Nous y sommes fondamentalement opposés. Nous devons trouver l’équilibre juste entre un État de droit et un état de nécessité !

La peur de l’attentat du lendemain, monsieur le ministre, ne peut être une excuse à une normalisation de l’état d’exception dans lequel nous nous trouvons.

La peur de l’attentat du lendemain ne doit pas nous tétaniser. C’est pourquoi les recommandations que vous formulez à la fin de votre rapport, à savoir une meilleure coordination et une interopérabilité renforcée avec les forces de sécurité intérieure, vont dans la bonne direction. Cela doit justement faciliter une transition et une sortie progressive de l’état d’exception dans lequel nous sommes.

Monsieur le ministre, combien de temps nos soldats seront-ils engagés sur le territoire national dans le cadre de l’opération Sentinelle ? Combien de temps le renfort des 3 000 hommes restera-t-il en vigueur ? Avez-vous un agenda prévisionnel ?

D’un point de vue plus général, votre rapport vise à redéfinir les missions prioritaires de nos armées lorsqu’elles interviennent sur le territoire national. Le groupe écologiste ne remet aucunement en cause l’expertise de l’armée. Nous considérons, au contraire, qu’elle représente une réelle plus-value dans un certain nombre de domaines.

En effet, parmi les missions permanentes définies dans le cadre des opérations intérieures, l’action de l’armée en matière de défense des intérêts économiques et des accès aux ressources stratégiques, ou encore de sauvegarde maritime, avec notamment la défense maritime du territoire, dont le contre-terrorisme, est primordiale et doit être encouragée.

Vous connaissez bien ma position sur ce sujet, monsieur le ministre. Ces missions intérieures sont de réelles priorités sur le long terme.

Nous soutenons donc l’action de nos armées, y compris sur le territoire national, lorsque cette action se place dans un cadre strictement défini, avec des objectifs clairs et surtout un agenda. Il s’agit de la condition sine qua non pour garantir un État démocratique, la sauvegarde des libertés individuelles et la sécurité de notre territoire.

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