Intervention de Cédric Perrin

Réunion du 15 mars 2016 à 14h30
Rapport au parlement relatif aux conditions d'emploi des forces armées lorsqu'elles interviennent sur le territoire national pour protéger la population — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Cédric PerrinCédric Perrin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mes chers collègues, il est des évidences qu’il faut parfois marteler : nos armées sont servies par des femmes et des hommes de grande qualité, généreux, courageux, volontaires, qui ont le goût de l’effort et qui ne craignent pas le sacrifice.

En 2015, près de 50 % d’entre eux ont quitté leurs familles durant plus de 200 jours. Après l’attaque contre Charlie Hebdo, nos militaires ont été engagés dans une mission inédite. 10 000 soldats sont déployés sur notre territoire. À la fin de l’année 2015, quelque 70 000 d’entre eux ont participé à l’opération Sentinelle. Ils sont désormais plus nombreux dans nos villes, affectés à la protection de notre territoire national, qu’en opérations extérieures.

Ce dispositif exceptionnel et nouveau pour nos armées répond à une menace nouvelle, qui s’affranchit de toute convention, à une menace plurielle, présente sur de multiples fronts, au plus loin comme au plus près.

Dans ce contexte, nos armées sont légitimes à concourir, sur le sol national, à la sécurité de nos concitoyens, comme elles le font déjà à travers les postures permanentes de sûreté maritime et aérienne.

Les équilibres traditionnels ont cependant disparu. La menace dépassant les frontières, la complémentarité entre sécurité intérieure et défense extérieure est plus que nécessaire. Le rapport au Parlement le souligne.

Il ne faut pas se contenter d’apporter un complément d’effectifs sur le modèle du plan Vigipirate. Il s’agit bien de permettre aux pouvoirs publics de prendre sous leur tutelle la conduite de véritables opérations militaires. Dans ce cadre, il me semble essentiel de rappeler à ceux qui resteraient confinés dans des schémas dépassés que les militaires ne sont en aucun cas des supplétifs des forces de sécurité intérieure, avec lesquelles ils travaillent d’ailleurs déjà en très bonne intelligence. Ceux qui doutent de leur légitimité à intervenir sur le territoire national font erreur.

Le défi est désormais de repenser cette fonction de protection dans toutes ses dimensions. Il faut adapter les conditions d’emploi des armées à ce nouveau contexte sécuritaire. Nos militaires ne sont pas des vigiles, dociles et corvéables à merci. Ils ne sont pas là pour faire régner l’ordre de manière statique, en constituant des cibles supplémentaires. Ils ne sont pas là pour se contenter de faire nombre et de rassurer les Français ! C’est une question de compétence, d’efficacité opérationnelle, de morale, mais aussi, plus prosaïquement, de coût.

Ils doivent, notamment, être capables d’apporter du renseignement militaire. Il n’est évidemment pas question qu’ils interviennent dans le domaine judiciaire, mais les unités qui patrouillent doivent pouvoir recevoir et apporter un renseignement, dont je ne doute pas qu’il sera exploité au mieux par les forces de sécurité intérieure. Nos militaires doivent donc servir à démultiplier les forces de sécurité en s’interconnectant avec elles. Il faut créer une habitude de travail en synergie.

Les propositions émises par l’armée de terre et qui visent à mettre un terme aux missions statiques doivent être soutenues par les pouvoirs publics, qui en recueilleront rapidement les bénéfices. Il n’est pas acceptable que cette nécessaire évolution de l’emploi des militaires soit remise en cause par des réaffectations de plus en plus nombreuses vers des gardes statiques, inefficaces et dangereuses.

En complément, la politique des réserves doit être rénovée, vous l’avez dit, monsieur le ministre. Au-delà des propositions déjà formulées, il faut inventer de nouveaux dispositifs incitant les entreprises à libérer davantage les réservistes.

Reste une interrogation majeure, monsieur le ministre, face à la complexité de la violence que nous combattons. Quand serons-nous capables de diminuer les effectifs consacrés à la mission Sentinelle ? Nous sommes passés de 7 000 à 10 000 hommes. Nous devons être capables de redescendre. Cela nécessite, sans doute, beaucoup de courage politique de la part de ceux qui prendront cette décision, mais elle est, à mon sens, nécessaire.

Il faut laisser souffler les troupes et leur permettre de s’entraîner avec leurs équipements, afin qu’elles se maintiennent en condition opérationnelle pour affronter l’avenir.

De quelles réserves disposons-nous pour faire face à la prochaine attaque ? Quel emploi de l’armée comptons-nous faire en cas de nouvel attentat de masse ? Quelle sera la nature exacte de la mission confiée aux armées, une fois que celles-ci auront recouvré leur mobilité sur le territoire national ? Que ferons-nous s’il faut intervenir à nouveau à l’étranger ? Supprimerons-nous Sentinelle ? N’est-il pas préférable, monsieur le ministre, d’adapter ce dispositif, afin de lui permettre de remonter en puissance ? Ne peut-on pas envisager des missions particulières, par exemple le cloisonnement du terrain ou le contrôle des axes ? En un mot, que ferons-nous de plus au prochain attentat ?

L’armée est la pierre angulaire de notre action collective contre cette barbarie. Nous savons que nous pouvons compter sur elle et sur sa loyauté.

Je terminerai par ces mots du chef d’état-major des armées, le général de Villiers : « Nos militaires défendent avec foi les valeurs de la France. La liberté, ils combattent pour elle. L’égalité, ils la vivent sous l’uniforme. La fraternité, ils la construisent au quotidien ».

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