Intervention de Jean-Pierre Raffarin

Réunion du 15 mars 2016 à 14h30
Rapport au parlement relatif aux conditions d'emploi des forces armées lorsqu'elles interviennent sur le territoire national pour protéger la population — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Jean-Pierre RaffarinJean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères :

Nous serons très attentifs sur ce point.

Troisième question : disposons-nous de moyens suffisants ?

« À mission nouvelle, moyens nouveaux ». Ces mots du chef d’état-major des armées, nous les faisons nôtres. Une mission de l’ampleur de Sentinelle implique, bien sûr, la mobilisation de moyens en conséquence. Il est tout à fait évident aux yeux des Français, dont la sécurité est, après le chômage, la deuxième préoccupation prioritaire, que le budget de la défense doit remonter en puissance après des années de décrue, afin de prendre en compte la menace terroriste, laquelle puise ses racines à l’extérieur pour venir frapper à l’intérieur.

C’est d’ailleurs une prescription que nous nous sommes donnée à nous-mêmes, lors du sommet des chefs d’État à Newport en 2014, où a été affirmé l’objectif de consacrer 2 % du produit intérieur brut à la défense. Cet objectif doit bien sûr s’imposer aujourd’hui à tous ceux qui se préparent à diriger notre pays à l’avenir. L’intensité de l’effort demandé à nos armées doit avoir, pour contrepartie, l’assurance que les ressources nécessaires seront disponibles. C’est une question d’éthique politique et de responsabilité.

Des déclarations solennelles ont été faites. Le Président de la République, le 16 novembre dernier, à Versailles, devant le Parlement réuni en Congrès, a annoncé expressément qu’il n’y aurait « aucune diminution d’effectifs dans la défense jusqu’en 2019 ». Vous-même, monsieur le ministre, le 27 novembre, dans cet hémicycle, vous avez indiqué que « 10 000 postes supplémentaires à l’horizon 2017, 2018 et 2019 […] seront sauvegardés en application de la décision du Président de la République ».

Encore faut-il que ces décisions soient gravées dans le marbre de la programmation militaire, qui se décline chaque année en loi de finances et confère des moyens à nos forces armées. Il s’agit donc, mes chers collègues, d’enclencher la deuxième vague, logique et attendue, de la remontée en puissance, après l’étape, franchie en juillet dernier, de la première actualisation de la loi de programmation militaire.

Il pourrait en effet se révéler aventureux de laisser le dernier mot en la matière à la loi de programmation des finances publiques, l’autre document budgétaire pluriannuel, dont nous attendons le projet à l’automne. Nous le savons, celui-ci est rédigé de l’autre côté de la Seine !

D’après les évaluations de la commission, le gel des réductions d’effectifs représente 600 millions d’euros de masse salariale sur la durée de la programmation en coût complet, 700 millions d’euros avec le fonctionnement et l’investissement. S’y ajoute le surcoût budgétaire annuel de Sentinelle, qui était de 170 millions d’euros en 2015.

À cet égard, le rapport dont nous débattons se révèle peu rassurant.

Tout d’abord, ce document rappelle que la couverture des surcoûts entraînés en 2015 par Sentinelle a été intégralement assurée par la voie d’un décret d’avance. Dont acte.

Ensuite, il se borne à exposer que « ce traitement budgétaire accordé en 2015 […] devra être reconduit lors des exercices budgétaires à venir. À défaut, la prise en charge de ces surcoûts […] induirait des redéploiements de ressources budgétaires en cours de gestion générant principalement un effet d’éviction sur les dépenses d’entretien programmé des matériels, alors que l’accroissement de [ces dépenses] constitue un objectif majeur au service de l’amélioration de la disponibilité des parcs de matériels, lourdement sollicités en opérations extérieures ».

Une telle incertitude pour l’avenir, un si faible engagement du Gouvernement dans ce rapport ne constituent pas, à nos yeux, de bonnes nouvelles ni, d’un point de vue politique, pour notre Assemblée ni, d’un point de vue opérationnel, pour les armées. Monsieur le ministre, vous avez compris que nous nous battons pour votre cause, mais que nous voulons des assurances sur ce sujet.

Lors de l’examen de la loi de programmation militaire, le Sénat voulait mutualiser les surcoûts liés aux missions intérieures, comme pour les opérations extérieures. Cette disposition n’a pas franchi l’étape de la commission mixte paritaire. Il paraît maintenant urgent de relancer cette réflexion.

Personne ne sera donc surpris que je suggère, en conclusion, que le Sénat donne cet après-midi au ministre de la défense un mandat de suite, comportant deux objectifs.

Premièrement, actualiser les tableaux de plafond d’emplois et les tableaux de ressources financières de la loi de programmation militaire, afin d’y intégrer les annonces du Président de la République du 16 novembre dernier, et cela avant la loi de programmation des finances publiques. La menace est claire : cette dernière pourrait précéder la décision !

Deuxièmement, introduire un système de mutualisation du surcoût des opérations intérieures, comme c’est déjà le cas pour les OPEX.

Le sujet n’est pas annexe. Faute de consolider la trajectoire financière, la défense serait dans l’impasse à l’heure des lourds investissements programmés à partir de 2018. L’industrie de défense représente quelque 165 000 emplois, des milliers de PME et des technologies de pointe dans nos territoires. Nous voyons combien ces efforts sont nécessaires. Monsieur le ministre, nous sommes heureux d’avoir eu ce débat et d’entendre vos réponses à nos interrogations.

Nous avons conscience que le pays mérite des efforts pour sa défense et que la sécurité des Français l’exige. C’est pour cela que nous élevons un peu le ton : nous menons une bataille commune, celle de la sécurité des Français et de la France !

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