Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 15 mars 2016 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 17 et 18 mars 2016

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà plusieurs mois que le Conseil européen est mobilisé sur la crise migratoire. Cette crise n’en demeure pas moins aiguë, compte tenu de l’impasse dans laquelle se trouve le conflit syrien depuis cinq ans, une impasse qui alimente sans cesse les flux de migrants.

Le cessez-le-feu en vigueur en Syrie depuis le 27 février dernier est relativement fragile, et la reprise des pourparlers de paix à Genève risque d’achopper une nouvelle fois sur le sort de Bachar al-Assad, que le chef de la diplomatie syrienne, Walid Mouallem, a qualifié de « ligne rouge ». J’ajoute que, dans le chaos actuel, le risque de partition de la Syrie est élevé, ce qui nous oblige à considérer la question des réfugiés comme un défi de long terme.

Depuis le 1er janvier dernier, plus de 18 000 migrants ont traversé la Méditerranée, selon l’agence des Nations unies pour les réfugiés, dans les conditions que l’on connaît et qui nous invitent à faire preuve d’humanisme. De fait, conformément à ses valeurs, l’Europe doit continuer d’apporter des réponses à ce drame humanitaire sans précédent en mettant en œuvre des mesures d’accueil.

C’est ce qui a été fait au travers des orientations définies en décembre, même s’il est vrai que l’Union européenne n’affiche pas toujours un visage uni – c’est le moins que l’on puisse dire… – et que les intérêts nationaux l’emportent trop souvent sur le principe de solidarité européenne. D’ailleurs, les conclusions du Conseil européen des 18 et 19 février dernier ne dissimulent pas cette difficulté, puisque les chefs d’État et de gouvernement recommandent de continuer à agir de manière concertée, de rompre avec la politique du laissez-passer et de pallier l’absence de coordination en ce qui concerne les mesures prises le long de la route des Balkans.

Pour autant, on peut noter, pour s’en satisfaire, des améliorations s’agissant de la mise en place des hotspots, dont le rythme d’installation s’est avéré beaucoup plus long que prévu ; s’ils ne sont pas opérationnels à 100 %, ils ont le mérite d’exister.

En revanche, on ne peut pas nier que la relocalisation soit un sujet plus épineux, ses modalités d’application ne faisant pas l’unanimité.

Comme je l’ai déjà signalé dans le débat préalable au précédent Conseil européen, le RDSE souscrit à la position de notre gouvernement au sujet de l’accueil raisonnable de réfugiés sur notre territoire, dans des conditions qui, disons-le, doivent s’accorder à nos possibilités matérielles et aux enjeux sécuritaires qui sont les nôtres.

Par ailleurs, le dernier Conseil européen a rappelé que le plan d’action Union européenne-Turquie devait être une priorité. Mon groupe est très attaché aux liens que la France entretient avec ce grand pays laïc, et qui doit le rester. Nous sommes donc particulièrement attristés par l’odieux attentat qui a frappé Ankara dimanche dernier. Nous considérons aussi que la gestion des flux passe nécessairement par ce pays : n’oublions pas, en effet, que seuls 10 % des réfugiés gagnent l’Europe, et que ce sont les pays limitrophes de la Syrie qui sont en première ligne. Il faut bien mesurer que près de 3 millions de réfugiés sont actuellement sur le territoire turc !

Dans ces conditions, le déblocage par l’Union européenne de 3 milliards d’euros en faveur de la Turquie, destinés à aider les Syriens installés dans les camps turcs, est évidemment une bonne chose ; mais ne fallait-il pas aller au-delà de cette aide financière et prévoir un mécanisme adapté de gestion du flux migratoire ? Un chèque ne saurait suffire !

Le nouveau plan germano-turc tout juste finalisé contient des propositions en ce sens. Si d’aucuns regrettent que la France ait été absente de la table des négociations, on peut néanmoins reconnaître l’intérêt du projet, qui consiste à admettre un syrien en Europe pour un syrien expulsé des camps grecs vers la Turquie. Certes, réduite à une formule mathématique, cette gestion des migrants peut paraître manquer d’humanité ; c’est pourtant celle qui sera sur la table du prochain Conseil européen. Monsieur le secrétaire d’État, nous souhaitons connaître votre sentiment à ce sujet.

En marge de cette question, mes chers collègues, se pose celle, récurrente depuis 1963, de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Monsieur le secrétaire d’État, où en est-on de la réouverture annoncée des négociations ? La crise syrienne dans toute sa dimension doit nous permettre d’accélérer ce processus, et certainement pas de le freiner à nouveau, tant il est vrai qu’une large partie de la solution passe par l’intégration de cette puissance régionale à nos côtés, dès lors qu’elle sera prête et remplira tous les critères.

L’ampleur de la crise migratoire nous ferait presque oublier que l’Europe a d’autres défis à relever. De fait, le prochain agenda européen se penchera également sur les initiatives visant à renforcer le marché unique.

Attaché au projet européen malgré les turbulences qui le secouent, le RDSE est favorable à une intégration plus poussée ; mais pour aller dans quelle direction ? Un marché unique réduit à une vaste zone de libre-échange sans coordination minimale entre les politiques économiques des États n’est pas souhaitable.

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