Intervention de Jean Bizet

Réunion du 15 mars 2016 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 17 et 18 mars 2016

Photo de Jean BizetJean Bizet, président de la commission des affaires européennes :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le prochain Conseil européen sera à nouveau consacré à la crise des migrants. Il débattra également du semestre européen et de la mise en œuvre des recommandations par pays, que M. le rapporteur général vient d’évoquer.

Il est donc important que le Sénat échange avec le Gouvernement sur ces sujets cruciaux. Je remercie le président du Sénat et la conférence des présidents d’avoir programmé notre débat précisément à cet horaire.

Répondre à la crise migratoire qui déstabilise notre continent est une priorité.

Notre commission des affaires européennes examinera dans quelques jours le rapport de Jean-Yves Leconte et André Reichardt.

L’Union européenne a choisi la voie d’un accord avec la Turquie pour tarir le flux de migrants. La situation géostratégique de ce grand pays le justifie. L’Union européenne lui a beaucoup promis. En contrepartie, elle est en droit d’attendre des résultats concrets. Le président du Conseil européen devait poursuivre le dialogue. Où en est-on à la veille du Conseil européen ? Que peut-on espérer concrètement ?

Certaines mesures vont dans le bon sens. C’est le cas de l’application de l’accord gréco-turc de réadmission. Il permettra le retour rapide de tous les migrants n’ayant pas besoin d’une protection internationale.

On peut en revanche être dubitatif sur le principe « un migrant pour un migrant », qui entraînera, pour chaque Syrien réadmis en Turquie, la réinstallation d’un autre Syrien de la Turquie vers les États membres. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous donner des précisions sur la mise en œuvre opérationnelle d’un tel mécanisme ?

En outre, l’Union européenne a pris des engagements vis-à-vis de la Turquie sur une libéralisation rapide du régime des visas. A-t-on bien évalué la portée d’une telle mesure ? De même, la perspective d’une ouverture de nouveaux chapitres de négociation est-elle bien réaliste, au regard de l’évolution préoccupante de l’état de droit dans ce pays ?

Nous souhaitons un retour rapide à un fonctionnement normal de l’espace Schengen. Le coût économique d’un retour des frontières serait considérable : 10 milliards d’euros par an pour la France uniquement, selon l’estimation de France Stratégie.

Pour cela, un soutien à la Grèce est indispensable et beaucoup de nos collègues se sont exprimés en ce sens. Après la Turquie, ce pays est en première ligne dans l’arrivée de migrants. Il doit être à même de gérer les frontières extérieures et d’assurer le bon fonctionnement des centres d’enregistrement, les hotspots.

On nous dit que la route des Balkans a désormais pris fin, mais nous devons aussi être vigilants sur les routes alternatives. Les passeurs ne vont-ils pas mettre en place un contournement par l’Albanie, voire par la Bulgarie ?

Le renforcement de FRONTEX a été annoncé. Nous nous en félicitons, mais le temps presse. Comment accepter que les opérations de l’agence pour 2016 ne soient pas encore dotées de toutes les ressources nécessaires par les États membres ? FRONTEX doit aussi disposer de tous les moyens juridiques nécessaires, en particulier pour se déployer hors de l’Union, comme en Macédoine récemment. L’agence doit également pouvoir accéder au système d’information Schengen et au système d’information sur les visas !

Enfin, je veux insister sur la dimension sécuritaire du contrôle des frontières. Il faut lutter contre les fraudes d’identité. La coopération opérationnelle doit s’intensifier contre les mafias de trafics d’êtres humains. Des contrôles efficaces doivent permettre d’identifier des terroristes potentiels, notamment par l’interrogation de bases de données performantes.

Le Conseil européen examinera, par ailleurs, la mise en œuvre des recommandations par pays et discutera des priorités pour le semestre européen 2016. Fabienne Keller et François Marc nous ont fait un point de situation. La réforme du semestre européen permet d’avoir une vue globale qui doit faciliter un ajustement plus précis des recommandations. La Commission européenne a retenu quatre priorités pour la zone euro, dont la fluidité sur le marché du travail et la réduction de la dette publique.

Disons-le : les prévisions économiques paraissent sombres. En effet, la croissance a été revue à la baisse et la situation budgétaire de plusieurs pays suscite l’inquiétude. Six pays, dont la France, présentent un risque de soutenabilité en matière de dette publique. Dans ce panorama peu réjouissant, notre situation économique nourrit une inquiétude d’autant plus forte en raison des effets d’entraînement possibles sur l’ensemble de la zone euro. Je retiens du rapport sur la France le constat d’une stratégie de réformes « au coup par coup », manquant d’ambition et d’une mise en œuvre incertaine. Je relève aussi, et surtout, des perspectives peu favorables en matière d’emploi.

Espérons que le Gouvernement saura en tirer des enseignements utiles dans ses échanges avec la Commission européenne, avant de transmettre en avril son programme national de réforme et son programme de stabilité. Je rappelle que la Commission publiera ensuite, en mai, sa proposition de recommandation sur la situation de notre pays et celle de nos partenaires.

Un compte à rebours est donc en quelque sorte engagé. Monsieur le secrétaire d’État, sur ce point précis qui ne doit pas être occulté par le délicat dossier des migrants, nous aimerions également obtenir un certain nombre de réponses et d’éclaircissements.

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