Intervention de David Assouline

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 16 mars 2016 à 9h30
Audition de Mm. Gilles Pélisson président-directeur général de tf1 jean-christophe thiery président du directoire du groupe canal+ et nicolas de tavernost président du groupe m6

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Madame la présidente, vous avez, dans votre introduction, exposé l'objet de la proposition de loi que j'ai déposée et de celle qui vient de l'Assemblée nationale. Or, commencer à discuter de cette proposition de loi sans avoir désigné de rapporteur me paraît une démarche nouvelle qui ne permet pas d'organiser des auditions. Il faut que nos collègues ici présents sachent de quoi il est question, à l'instar des présidents des différentes chaînes de télévision que nous auditionnons aujourd'hui. Ce processus me paraît se dérouler quelque peu à l'envers. Je tenais à le dire. Si les membres du groupe socialiste et républicain ont souhaité inscrire à l'ordre du jour de leur espace réservé ces propositions de loi, c'est parce ces sujets nous tiennent à coeur ! J'espère d'ailleurs que la nomination des rapporteurs prendra ce point en compte. Ce n'est pas la peine que le rapport sur cette proposition de loi soit confié à ses détracteurs. Si toute proposition de loi d'un groupe minoritaire au Sénat se voit condamnée par la majorité et présentée comme telle à la délibération du Sénat, les droits de l'opposition en souffrent forcément !

Je pense qu'il faut entrer dans le texte en s'appropriant ses différents attendus et que c'est ainsi que nous pourrons maîtriser collectivement ce débat.

L'objet de cette proposition de loi vise le paysage médiatique français qui est tout à fait spécifique. Vous aimez faire référence à l'étranger comme modèle dans de nombreux domaines, en dénonçant notamment l'ampleur de la réglementation en France. Le fait que l'essentiel des grands groupes de médias soit possédé par des actionnaires, dont le premier métier n'est pas les médias ou l'information, et dont beaucoup d'entre eux vivent de la commande publique est une spécificité française. Ce n'est là nullement une suspicion alimentée en amont et, en tant que responsables politiques, nous savons bien que celle-ci plane sur tout le monde. Cette suspicion n'est nullement accusatoire. La structure du paysage audiovisuel français pose en effet question. Si les actionnaires majoritaires, notamment des groupes de presse quotidienne régionale (PQR) et des médias audiovisuels, n'ont pas les médias comme activité principale - comme Bouygues, Bolloré, Drahi, Dassault, Arnault - comment faire que ceux-ci ne puissent interférer sur les producteurs d'information qui sont également leurs salariés ?

Ce n'est pas alimenter la suspicion, mais plutôt l'inverse, que d'élaborer les outils pour prévenir toute forme d'abus et d'intervention. La presse a dernièrement révélé des interventions de Vincent Bolloré pour modifier la programmation de Canal+. Une affaire similaire serait également en cours au Parisien et concernerait le traitement de l'information. À partir du moment où des contrôles existent et qu'une transparence est assurée, l'actionnaire est dissuadé d'agir de la sorte. Notre démarche se veut démocratique et ne consiste nullement à jeter l'opprobre. Nous sommes là pour défendre l'intérêt général. Il y avait deux solutions : soit on travaillait sur l'indépendance des rédactions soit il fallait agir sur l'actionnariat et les seuils de concentration. J'ai précédemment déposé une proposition de loi sur les concentrations. Faut-il limiter la part de capital d'une entreprise de médias qu'un groupe peut posséder afin de contenir son influence ? En matière de concentration, est-il nécessaire de limiter la dépendance à la commande publique des groupes qui possèdent des participations dans des médias afin d'éviter l'interférence avec le politique ? Nous souhaitons, à l'inverse, que les médias demeurent indépendants des politiques.

Le fait que celui qui vend des avions notamment à l'État possède l'un des plus grands organes de la presse écrite nationale et, comme sénateur, va délibérer sur cette proposition de loi pose manifestement question. Auteur d'une proposition de loi avec mon groupe, nous vous auditionnerons de façon bilatérale pour approfondir chacune des questions que vous avez posées. Mais ce type de proposition de loi est tout à fait justifié et son dispositif fera l'objet d'un réel examen. En ce sens, je ferai parvenir aux membres de notre commission un document sur lequel figure l'état actuel de la concentration des différents groupes de presse. Ces informations sont surprenantes et vont au-delà de ce que je pensais. M6 n'est pas concerné, mais je me souviens que M. Alain Weill plaidait, avec une apparente conviction, pour l'indépendance de Nextradio TV un an avant que son groupe ne soit vendu au groupe Numericable-SFR ! Le groupe auparavant présenté comme indépendant n'existe plus ! Excusez-nous ainsi de poser quelques règles et de penser qu'il faut les préciser avec et non contre vous. Nous exerçons ainsi nos fonctions de défenseur de l'information et de la liberté d'exception, mais aussi celles de régulateur.

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