Intervention de Nicolas de Tavernost

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 16 mars 2016 à 9h30
Audition de Mm. Gilles Pélisson président-directeur général de tf1 jean-christophe thiery président du directoire du groupe canal+ et nicolas de tavernost président du groupe m6

Nicolas de Tavernost, président du groupe M6 :

Je vous remercie pour toutes ces questions. Premièrement, afin que soit préservée l'objectivité du débat, je souhaite dire que TF1 et M6 connaissent également des moments délicats et des difficultés d'adaptation de nos modèles respectifs de télévision. Vous avez devant vous trois acteurs à égalité devant la difficulté.

Deuxièmement, pour répondre à la remarque de M. David Assouline, j'observe que des propriétaires qui sont issus du monde des médias ne sont guère loués pour leur indépendance au sens où vous l'entendez. MM. Berlusconi et Murdoch sont dans cette catégorie, mais je n'ai pas l'impression que tous deux incarnent un modèle que vous nous encouragez à suivre. Ces groupes privés appartiennent forcément à quelqu'un et la propriété n'est pas le gage de l'indépendance ou de la dépendance. Le fait d'être dans d'autres secteurs - et je le dis d'autant plus volontiers que notre actionnaire de contrôle est dans le secteur des médias -, n'est pas discriminant.

Je prendrai la défense de mon collègue de TF1, ce qui n'est pas si fréquent, en rappelant que l'exemple que vous évoquiez me paraît de nature à illustrer les difficultés suscitées par l'interprétation de l'indépendance. Vous avez en effet évoqué une réunion tenue avant l'élection présidentielle pour 2002 et décrite dans un livre que je ne connaissais pas. Cet exemple me rappelle également les reproches qu'avaient essuyés TF1, s'agissant du soutien apporté à Édouard Balladur contre Jacques Chirac lors de l'élection présidentielle précédente.

Sachez que notre métier de responsable de média s'exerce dans la pleine conscience des risques de remise en cause des élites que vous évoquiez. C'est justement le paradoxe de cette proposition de loi que de jeter la suspicion sur les directeurs de publication. Nous sommes confrontés quotidiennement à des décisions à prendre. Si vous conférez un pouvoir accru à des commissions ou une importance démesurée à l'intime conviction professionnelle, vous risquez d'obtenir des émissions qui échapperont à tout contrôle. Nous avons parfois des discussions difficiles avec nos responsables de rédaction pour appliquer une déontologie. Je trouve que cette proposition de loi a comme présupposé le fait que les élites que nous serions comme directeurs de publication doivent être contrôlées et entourées par des tas de comités et de commissions, afin que nous exercions correctement notre pouvoir.

Vous avez fait référence à M. Weill et à son souhait d'indépendance avant que son groupe ne soit revendu au groupe dirigé par M. Patrick Drahi. J'ai toujours rappelé au Parlement qu'il ne fallait pas confondre les nouveaux entrants et les indépendants. Nous sommes au moins aussi indépendants que les nouveaux entrants. J'ai d'ailleurs dénoncé ces nouveaux entrants à l'occasion de la revente des fréquences puisqu'en ce qui nous concerne, nous ne nous sommes jamais positionnés sur ce marché. Être un nouvel entrant ne signifie pas être indépendant. Le législateur, par sa confusion entre les nouveaux entrants et l'indépendance, a commis une erreur en promouvant la présence de nouveaux acteurs aux côtés des groupes historiques, comme gage du renforcement de l'indépendance. Nous avons pu le constater aujourd'hui à l'occasion de récentes affaires de revente de fréquences.

Par ailleurs, la concentration des médias, notamment dans la presse écrite, a été évoquée. Un point de cette proposition de loi nous semble choquant. En effet, ce dispositif ne s'adresse qu'à certaines catégories de télévisions et aux radios généralistes, mais ni à la presse ou à l'Internet. L'exercice de notre métier de directeur de publication s'inscrit dans un contexte fortement régulé, alors que se fait jour un foisonnement d'acteurs qui ne sont absolument pas régulés. On veut nous entourer de réglementations qui ne s'appliquent pas du tout au media Internet, au risque d'accroître à nouveau le fossé entre l'information diffusée sur les médias historiques, soumise à un contrôle extrêmement tatillon, et celle qui vient de l'Internet qui y échappe totalement.

Nous avons toujours été assez opposés au contrôle a priori du CSA qui nous paraît induire la négation même de la responsabilité d'éditeur. Veillons cependant, dans le cadre du contrôle a posteriori, qu'on n'aille pas au-delà de notre responsabilité. Nous avons diffusé des images au moment des attentats du 13 novembre dernier dans un programme d'information après avoir jugé, en responsabilité, qu'elles pouvaient être diffusées. Il est difficile pour nous d'admettre que le CSA juge à notre place si ces images, dix jours après leur diffusion, pouvaient être ou non diffusées. Il y a des lois qui régissent l'ordre public et permettent de poursuivre les éditeurs. En l'occurrence, dans l'affaire en cause, nous n'avons pas été sanctionnés d'une quelconque façon. On nous a simplement dit que nous aurions pu mettre un avertissement pour les moins de douze ans, en raison du caractère difficile de certaines images. Comme le CSA avait publié une réglementation mentionnant l'impossibilité de diffuser un programme pour les moins de douze ans avant 20 h 30, nous n'aurions, de toute manière, pas pu diffuser ce programme avant cet horaire.

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