Intervention de Catherine Deroche

Réunion du 22 mars 2016 à 15h15
Santé et travail : repenser les liens dans un contexte de mutations économiques du travail — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche :

Notre collègue Pascale Gruny vient à juste titre de rappeler que le travail reste cependant, pour les trois quarts des salariés, un facteur d’épanouissement personnel. C’est heureux. Dans une perspective d’allongement inéluctable de la durée d’activité, il convient en effet de concilier efficacité économique et recherche du bien-être au travail, objectifs qui ne sont pas antinomiques.

Je n’évoquerai pas la nécessaire protection des travailleurs contre des conséquences physiques de maladies professionnelles : troubles musculo-squelettiques, exposition à des agents dangereux – nous avons tous en tête l’exposition à l’amiante qui a été un scandale en son temps et mérite encore, comme l’a dit notre collègue Aline Archimbaud, un suivi exemplaire – et autres pathologies nombreuses que je ne détaillerai pas.

Le législateur, au fil des textes successifs – loi Bertrand de 2011, loi Rebsamen de 2015, dernière loi relative à la santé –, s’efforce de répondre à cette exigence.

Nous nous trouvons donc devant un constat partagé : l’impact du travail sur la santé doit faire l’objet d’évaluations de qualité par les médecins du travail, et ce dans le privé comme dans le public. Les employeurs ainsi que les partenaires sociaux y prêtent d’ailleurs une attention constante. Il suffit pour s’en convaincre de voir la diminution des accidents du travail de manière globale.

Mais une fois ce constat posé, la réalité demeure. Nos services de médecine du travail ne peuvent faire face à cette ambition. Les élus locaux que nous sommes connaissent les difficultés rencontrées, par exemple par les collectivités, pour répondre aux exigences de la loi en ce qui concerne les agents territoriaux.

L’État n’est pas, il faut le reconnaître, un modèle du genre. Je pense ainsi à la surveillance des agents de l’éducation nationale, beaucoup plus espacée que celle des agents de nos écoles.

La semaine dernière, une rencontre de notre commission avec le professeur Loïc Capron, Michel Amiel l’a évoquée, a prouvé la gestion difficile, voire défectueuse en termes de ressources humaines, des personnels médicaux et autres, par l’AP-HP.

Les médecins du travail sont en nombre insuffisant, bien que la pluridisciplinarité des équipes ait été renforcée dans les services de médecine du travail. Ainsi dans la région des Pays de la Loire, que je connais bien, l’Observatoire régional de la santé dénombrait en 2011 quatre cent soixante-quinze médecins du travail, dont les deux tiers avaient plus de cinquante-cinq ans, les remplacements des départs en retraite étant de plus difficiles.

Les exigences ont été accrues, et on ne peut qu’y souscrire, pour les salariés justifiant d’une surveillance médicale renforcée.

Des obligations nouvelles ont été créées. Je choisirai, à cet égard, de focaliser mon propos sur les emplois familiaux et les services à la personne. Ce sont des emplois nombreux et voués à s’accroître avec le vieillissement de la population.

Les personnes qui les occupent sont soumises à des contraintes fortes, à la fois physiques et morales, car on leur demande beaucoup. Plus de 80 % de ces travailleurs sont des femmes, et près de 50 % d’entre eux ont plus de cinquante ans. Ces salariés sont souvent en situation de cumul d’emploi, puisque 30 % ont plus de trois employeurs.

La loi du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail a renvoyé l’ensemble des particuliers employeurs aux dispositions de droit commun pour la surveillance médicale de leurs salariés. Toutefois, cette loi s’avère inapplicable dans les faits : tels que sont organisés les services de la médecine du travail, ils ne peuvent assurer le suivi médical de plus d’un million et demi de salariés de particuliers employeurs, eux-mêmes au nombre de plus de deux millions, situation encore compliquée par l’existence des « multi-employeurs » particulière au secteur.

Pour pallier la surcharge des services interentreprises, la loi Rebsamen a davantage ciblé les visites. Madame la ministre, il semblerait que votre projet de loi aille également dans ce sens. Pourrez-vous nous dire ce qu’il en est exactement ?

On ne peut qu’entendre que des simplifications administratives réclamées à juste titre par nos entreprises doivent être apportées. L’exemple un temps ubuesque du compte pénibilité en est l’illustration. Mais nous sommes en plein paradoxe, et ce n’est pas l’apanage du seul sujet d’aujourd’hui : exigence de qualité pour nos concitoyens au travail, mais grande insuffisance des moyens.

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