Intervention de Myriam El Khomri

Réunion du 22 mars 2016 à 15h15
Santé et travail : repenser les liens dans un contexte de mutations économiques du travail — Discussion d'une question orale avec débat

Myriam El Khomri, ministre :

Mais le sujet de la santé au travail est suffisamment important pour que nous concentrions notre débat d’aujourd’hui sur cette question, sans anticiper sur le débat qui aura lieu sur le projet de loi.

Avant de répondre aux questions que vous avez soulevées, je souhaite revenir rapidement sur ce qui me semble être la place du travail au sein de notre société, comme nous y invite votre collègue Mme David.

C’est un fait : le travail est un vecteur extrêmement puissant d’intégration sociale, économique et d’émancipation personnelle. À ce titre, il occupe bien sûr une place centrale dans nos constructions identitaires, individuelles et collectives, comme vient de le dire Mme Morhet-Richaud.

Mais, pour chacun d’entre nous, la frontière est toujours plus ténue entre l’individu au travail et tous les autres pans de la vie humaine. Les mutations dans le monde productif et les aspirations individuelles mêlent ainsi de plus en plus le professionnel et le personnel dans une articulation complexe, source d’épanouissement, mais aussi potentiellement source de nouvelles souffrances.

Ma conviction, c’est que la conciliation de la réalisation professionnelle et de l’accomplissement personnel est réaliste.

Dans une société de progrès, vie professionnelle et vie personnelle doivent pouvoir s’articuler pour garantir le bien-être et l’efficacité des travailleurs dans une dynamique vertueuse.

C’est tout l’enjeu de la qualité de vie au travail, la QVT, comme disent les spécialistes, qui s’affirme comme une revendication légitime, et qui offre à l’individu les leviers de son bien-être professionnel.

Elle dépend bien sûr de l’intérêt éprouvé pour sa mission, de l’ambiance et de l’environnement de travail, naturellement de la charge de travail, de l’autonomie accordée, des perspectives d’évolution, de la reconnaissance indispensable de ses pairs et de sa hiérarchie, et des conditions de trajet domicile-travail.

Il est impossible d’être exhaustive, tant s’agrègent de facteurs qui concourent à la satisfaction professionnelle de chacun et de chacune.

Ce qui est sûr en revanche, c’est que la combinaison de tous ces paramètres pèse fortement sur la qualité de vie générale de l’individu, sur la performance organisationnelle et, par conséquent, sur le fonctionnement global de notre société.

De ce point de vue, la transition numérique nous offre un beau défi : faire de cette profonde mutation technologique une opportunité de progrès économique et social, et réinventer le sens et les formes du travail dans notre organisation collective en permettant à chacun de s’y retrouver.

Assurément pas en ouvrant l’horizon d’une société déshumanisée ou d’une société faisant rimer connexion et aliénation, soumettant les individus à une cadence toujours plus intensive.

Dans un monde moderne, enfin, employeurs et employés doivent pouvoir se reposer sur le dialogue social pour codéfinir les orientations stratégiques de l’entreprise, son organisation et son fonctionnement. Il ne s’agit pas bien sûr de nier l’existence de rapports de force au sein des entreprises, mais d’encourager des débats réguliers et constructifs au bénéfice de tous.

C’est cette vision que je défends. C’est cette vision que je porte avec le projet de loi de réforme du code du travail qui sera présenté en conseil des ministres jeudi prochain.

Sans anticiper sur les débats que nous aurons sur ce projet de loi, il est important que nous sortions des caricatures et que nous puissions faire preuve dans cet hémicycle de rigueur intellectuelle, à la fois sur la réalité du droit du travail aujourd’hui et sur les mutations et propositions détaillées dans ce texte.

Avec ce texte, nous adaptons et modernisons les règles qui encadrent le monde du travail aux grandes évolutions économiques, sociales et sociétales que chacun peut constater au sein de notre société.

C’est le renforcement du dialogue social, c’est la souplesse apportée aux entreprises, ce sont les protections garanties aux salariés, notamment à travers le compte personnel d’activité, qui vise justement à cibler le compte personnel de formation sur les individus qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire les moins qualifiés dans notre pays, qu’ils soient salariés ou demandeurs d’emploi.

C’est aussi justement le renouvellement de notre approche concernant la santé au travail.

Dans ce domaine, nous voulons bien sûr nous assurer que le travail ne soit pas synonyme de souffrances physiques ou psychiques, mais nous voulons aussi que les lieux de travail soient des lieux d’épanouissement et de bien-être.

Aujourd’hui, en effet, l’enjeu n’est pas seulement de limiter les risques ; il est aussi de soutenir le développement humain dans le cadre du travail, ce qui passe par la reconnaissance de la place de chacun, l’autonomie et la participation. Il y a là un droit pour les travailleurs en même temps qu’un atout pour les entreprises et pour les administrations, qui, de toute évidence, fonctionnent mieux lorsque leurs salariés vont bien.

En la matière, il faut s’en tenir à quelques principes de bon sens : des salariés qui se sentent bien dans leur environnement professionnel sont des salariés moins malades, moins absents, plus impliqués, plus solidaires, plus efficaces et qui mettent leur investissement au service du collectif, comme Mmes Gruny et Gatel l’ont fait observer.

Afin de pouvoir atteindre cet objectif, nous défendons le passage d’une logique de réparation à une logique de prévention, comme M. Watrin le souhaite à juste titre.

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