Intervention de Myriam El Khomri

Réunion du 22 mars 2016 à 15h15
Santé et travail : repenser les liens dans un contexte de mutations économiques du travail — Discussion d'une question orale avec débat

Myriam El Khomri, ministre :

De fait, pour faire de l’entreprise un lieu où le bien-être est possible, nous ne pouvons pas nous contenter de traiter et d’indemniser les pathologies lorsqu’elles apparaissent.

Bien sûr, il serait absurde de nier ces maux : l’activité professionnelle nuit parfois à la santé des salariés. Au demeurant, le Gouvernement, qui a mis en place le compte personnel de prévention de la pénibilité, agit en pleine conscience dans ce domaine. Reste que le plus pertinent est d’agir en amont pour éviter que ces maux ne surviennent. Là est toute la philosophie du troisième plan santé au travail, ainsi que des dispositions du projet de loi sur la réforme du code du travail relatives à la médecine du travail.

Je veux favoriser une approche collective, dynamique, moderne et qui réponde directement aux situations que l’on observe concrètement dans les entreprises et les administrations aujourd’hui. C’est dans cet esprit que j’ai officialisé en décembre dernier le troisième plan santé au travail.

Ce document, qui, comme vous l’avez signalé, madame Génisson, constitue la feuille de route du Gouvernement en la matière jusqu’en 2020, marque une étape importante dans la politique de santé au travail en France, pour deux raisons. D’abord, il réalise l’infléchissement majeur dont j’ai parlé il y a quelques instants en faveur de la prévention. Bien sûr, cette nouvelle approche suppose une petite révolution culturelle, ainsi que l’adoption de nouveaux réflexes collectifs et individuels en matière de santé au travail. Ensuite, les partenaires sociaux ont joué un rôle particulier dans l’élaboration de ce plan ; leur implication est pour moi la meilleure garantie de la qualité du dispositif, de son appropriation par tous les acteurs de l’entreprise et, donc, de son efficacité.

À cet égard, je tiens à saluer, à la suite de nombreux orateurs, les travaux des membres du Conseil d’orientation sur les conditions de travail, le COCT. Cette instance paritaire est le modèle à suivre en matière de dialogue social. En effet, tous les points de vue peuvent s’y exprimer, chacun apportant à la réflexion ses compétences, ses expériences et ses propositions. Cette capacité à dialoguer dans un climat d’écoute et à trouver des terrains d’entente est une des caractéristiques marquantes du COCT. La concertation sert clairement l’intérêt général lorsqu’elle permet à un dispositif d’être approuvé par l’ensemble des partenaires sociaux, ce qui fut le cas du troisième plan santé au travail, longuement discuté avec ces derniers.

Parallèlement au plan santé au travail, le projet de loi consacré à la réforme du code du travail comporte également des mesures de modernisation de la médecine du travail, qui s’inscrivent dans la continuité du rapport de M. Issindou, député, et, comme Mme Génisson l’a souligné, de la loi relative au dialogue social et à l’emploi.

Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’une réforme dans ce domaine soit nécessaire n’est pas une idée nouvelle. De fait, malgré ses ambitions, le système actuel ne garantit pas, dans la réalité, le suivi des salariés. Nous ne pouvons donc pas nous en satisfaire. En tant que ministre de l’emploi et du travail, je dois traiter les problèmes qui se posent ; or la réalité actuelle est celle que je viens de dire.

Il faut dire les choses telles qu’elles sont : il y a une pénurie des ressources médicales, non pas de notre fait, mais en raison du déficit de candidatures. Songez que, pour 80 postes ouverts, seulement 60 personnes présentent leur candidature ! On anticipe le passage de 5 000 à 2 500 médecins du travail d’ici à 2020. Il faut donc repenser l’organisation de la discipline en conséquence.

Pouvons-nous nous satisfaire de la situation actuelle, dans laquelle seulement 3 millions de visites médicales sont réalisées sur les 20 millions d’embauches qui ont lieu chaque année ? Mesdames, messieurs les sénateurs, j’insiste : 3 millions de visites pour 20 millions d’embauches ! C’est cette réalité qu’il faut que nous traitions ensemble, car, concrètement, aujourd’hui, des salariés travaillant sur des postes à risques n’ont pas de visite médicale.

Ma conviction est que nous pouvons tout à fait réaliser cet effort et améliorer le système par la même occasion. Pour y parvenir, il convient de miser sur une approche qui privilégie la prévention et qui donne la priorité à ceux qui ont le plus besoin d’être accompagnés.

Concrètement, tous les salariés bénéficieront d’une réunion de sensibilisation aux risques professionnels, qui pourra être réalisée par des infirmiers ou par des préventeurs, sous l’autorité du médecin du travail. L’infirmier pourra bien sûr orienter le salarié vers le médecin du travail. Dans le même temps, les visites médicales d’embauche et les visites périodiques seront évidemment maintenues pour l’ensemble des postes à risques, ainsi que Mme Deroche l’a indiqué.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit l’introduction dans le code du travail d’un nouvel article sanctuarisant le principe selon lequel « tout travailleur bénéficie […] d’un suivi individuel de son état de santé assuré par le médecin du travail et, sous l’autorité de celui-ci, par les autres professionnels de santé membres de l’équipe pluridisciplinaire […] qu’il anime et coordonne ».

Contrairement à ce que soutiennent certains détracteurs de la réforme de la médecine du travail, l’objectif n’est donc pas de réduire le niveau de protection et de suivi, mais bien de rendre la médecine du travail plus individualisée et plus efficace. Du reste, cette approche optimisée de la médecine du travail, plus finement ciblée et davantage tournée vers la prévention, est celle qui est promue par les partenaires sociaux, par presque l’ensemble des syndicats.

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