Intervention de Emmanuelle Prada-Bordenave

Commission des affaires sociales — Réunion du 23 mars 2016 à 9h30
Enquête de la cour des comptes sur la prévention des conflits d'intérêts en matière d'expertise sanitaire — Présentation par m. antoine durrleman président de la sixième chambre de la cour des comptes

Emmanuelle Prada-Bordenave, présidente du Comité « déontologie et indépendance de l'expertise » de la Haute Autorité de Santé :

Je répète qu'il est très difficile d'avoir des experts sans liens d'intérêts, étant donné, en particulier, l'organisation actuelle des centres universitaires hospitaliers (CHU). Cependant, certaines personnes pourraient apporter leur expertise tout en ayant des liens d'intérêts beaucoup plus ténus : je pense à la génération de ceux que l'on pourrait appeler les jeunes chefs de clinique ou les jeunes maîtres de conférences d'université praticiens hospitaliers (MCU-PH). Le problème est que l'expertise n'est pas valorisée dans leur parcours universitaire et l'obtention de l'agrégation. A la suite d'une démarche de très longue haleine, la prise en compte des activités pédagogiques a été introduite dans les critères d'évaluation pour l'agrégation. Il n'en va pas de même de l'expertise. Par conséquent, ces jeunes, qui sont l'avenir de la médecine mais pas encore vraiment installés dans le paysage, ne sont pas candidats à la réalisation de projets d'expertise. Cette question devrait être traitée par l'enseignement supérieur.

A la rédaction retenue en 2011 pour interdire tout lien direct, inspirée du code pénal puisqu'on renvoyait au délit de prise illégale d'intérêt, la rédaction de 2013, qui est beaucoup plus approfondie et définit le conflit, aurait peut-être été préférable. Mais il ne sera jamais simple de savoir si une personne est ou non en situation de conflit d'intérêts et il y aura toujours une appréciation à porter sur chaque cas particulier. Dans les commissions qui siègent auprès de la HAS, sont présents des représentants de patients, qui sont membres d'associations de patients, dont certaines sont financées par des industriels. Je pense notamment aux associations intervenant dans le champ des maladies rares. Nous nous trouvons donc face à quelques associations qui ont des liens. Ceux-ci doivent être appréciés et nous ne devons pas faire porter sur ces personnes-là, qui sont déjà malades, en plus un regard soupçonneux. J'ai entendu qu'on évoquait parfois Tracfin. Mais il ne s'agit pas des mêmes personnes, ni des mêmes choses. Tracfin intervient tout de même dans le domaine de la corruption, du terrorisme. Ici, notre débat concerne des médecins qui soignent des personnes et des patients qui sont malades. Il faut faire attention à ne pas provoquer cette irruption du soupçon. C'est de confiance dans le système de santé dont il s'agit, comme le rappelle d'ailleurs le rapport de la Cour des comptes.

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