Intervention de Sébastien Soriano

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 23 mars 2016 à 9h05
Audition de M. Sébastien Soriano président de l'arcep

Sébastien Soriano, président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) :

Je suis heureux d'être reçu par votre commission afin de rendre compte de l'action de l'Arcep. Quand je suis arrivé à a tête de cette institution, il y a un peu plus d'un an, j'ai eu le sentiment que l'on s'interrogerait sur son rôle en matière d'aménagement du territoire. L'Autorité devait-elle se borner à organiser la concurrence entre les opérateurs dans les zones denses ou devait-elle se préoccuper de tout le territoire, notamment des zones les moins rentables ? Nous avons donc clarifié nos priorités en menant l'an passé un exercice de revue stratégique : désormais, une feuille de route priorise les actions des 170 agents de l'Arcep. Ainsi, nous avons décidé que la concurrence devait promouvoir l'investissement. En poussant les opérateurs à investir, nous amenons des réseaux dans les territoires et nous améliorons la qualité des infrastructures, ce qui joue en faveur des consommateurs. Les territoires sont également notre priorité : nous voulons que nos concitoyens aient accès aux réseaux. Bien évidemment, nous organisons le marché dans les zones denses mais les fréquences étant la propriété de la Nation, le ministère et l'Arcep peuvent demander aux opérateurs de s'engager sur des objectifs de couverture. En outre, l'Arcep accompagne les réseaux d'initiative publique afin de couvrir le territoire.

En ce qui concerne le mobile, j'ai présenté un mea culpa au nom de l'État. Nous nous étions focalisé sur le très haut débit, ce qui nous a quelque peu fait oublier l'importance de la connectivité mobile. L'industrie a été perturbée par l'arrivée d'un quatrième opérateur : les enjeux commerciaux immédiats l'ont emporté sur des considérations de plus long terme. Depuis dix-huit mois, suite à la loi Macron, nous sommes dans une logique de rattrapage, l'objectif étant la couverture des centres-bourgs, c'est le programme « zones blanches ». On ne peut viser le 100 % du territoire, à moins d'installer une antenne dans chaque commune, soit au bas mot 3 milliards d'euros d'investissements.

Les territoires qui veulent une couverture de certaines zones touristiques doivent pouvoir l'obtenir : c'est le programme des 800 sites stratégiques. Le Président de la République a annoncé le financement intégral de ces antennes et l'Agence du numérique est chargée de ce dossier.

Le projet de loi pour une République numérique comprend une disposition importante : celle relative aux cartes de couverture mobile. Avant d'être nommé président de l'Arcep, j'ai été auditionné par les commissions des affaires économiques de l'Assemblée nationale et du Sénat : de très nombreuses questions m'ont été posées sur ces cartes qui sont publiées par les opérateurs. Les élus estiment qu'elles ne correspondent pas à la réalité. L'Arcep va donc définir de nouvelles règles techniques de production de ces cartes : sa décision, contraignante, sera en consultation publique en avril et sera ensuite soumise à l'homologation de Mme Axelle Lemaire et de M. Emmanuel Macron. Une fois en vigueur, les opérateurs auront trois mois pour se mettre en conformité. D'ici l'automne, nous devrions donc disposer de nouvelles cartes de couverture mobile des opérateurs. Le projet de loi pour une République numérique prévoit que ces données seront en open data. Ainsi, une seule carte permettra de savoir quelles sont les zones couvertes par chacun des opérateurs. Ces derniers contestent le dispositif au nom de la sécurité nationale. Il n'en est rien : ce type de carte existe dans de nombreux pays européens. Je vous invite à voter ce texte conforme afin que cette mesure entre rapidement en application.

Suite à la loi Macron qui prévoit un rapport sur l'investissement des opérateurs, nous avons mis en place un observatoire annuel pour en rendre compte. Le premier observatoire a été publié en décembre. Nous avons mis en place un observatoire trimestriel sur les zones peu denses ; la première publication, en février, a traité des centres-bourgs et des zones rurales. En 4G, les trois opérateurs qui disposent de fréquences 800 mégahertz, à savoir SFR, Bouygues Télécom et Orange, sont tenus de couvrir 40 % de la zone peu dense d'ici le 1er janvier 2017. Nous avons adressé un avertissement aux opérateurs qui semblaient en retard. D'ici quelques mois, cet observatoire donnera des indications plus précises sur la couverture des centres-bourgs. En fin d'année dernière, plusieurs opérateurs, et notamment Bouygues Télécom, ont accéléré cette couverture.

Concernant la bande des 700 mégahertz, les quatre opérateurs se sont engagés : la couverture des voies ferrées a été ajoutée à celle des zones d'habitation et des axes routiers.

Le plan France très haut débit concerne le fixe : 57 % du territoire devra être couvert par l'investissement privé. Entre régulateurs, nous avons un jeu de mots sur le FttH (Fiber to the Home). Nous disons qu'il s'agit parfois de FttP, fiber to the press release, fibre jusqu'au communiqué de presse. Souvent, les annonces des opérateurs ne sont pas suivies d'effets concrets. Or en France, il s'agit d'une réalité à la fois structurelle et commerciale : les réseaux déployés par les opérateurs produisent des abonnements. Le marché concerne près de 1,5 million d'abonnés et le taux de pénétration est de 25 %, un taux jamais été atteint par le réseau câblé. Nous assistons donc à une forte migration des abonnés du haut débit vers le très haut débit. Cette qualification commerciale de la fibre est très importante et valide le bienfondé du déploiement.

Grace à la loi Macron, les collectivités disposent désormais d'un barème pour louer leurs réseaux fibre aux opérateurs. En effet, les administrés veulent d'un opérateur national pour avoir accès à tous les programmes. J'espère que cette loi permettra de débloquer certaines situations car de grands opérateurs rechignent encore à utiliser ces réseaux publics.

Les réseaux en fibre optique seront, demain, le réseau de référence. Aujourd'hui, ils se déploient en parallèle du réseau téléphonique cuivre. Il va falloir organiser le passage d'un réseau à l'autre. Le rapport de Paul Champsaur propose de déclarer des zones « fibrées » lorsqu'elles atteignent un certain degré de couverture, afin d'organiser ce basculement. Ce travail est techniquement assez complexe. Nous le menons avec la direction générale des entreprises pour définir le cahier des charges. À l'Assemblée nationale, un amendement a été adopté pour définir des règles précises d'ici la fin de l'année. J'espère que tel sera le cas, mais je ne puis l'affirmer avec certitude.

Le réseau cuivre sera utilisé encore pendant un certain temps. Le déploiement du réseau téléphonique a pris entre quinze et vingt ans : il en ira de même pour la fibre. Nous devons nous préoccuper de ceux de nos concitoyens qui utilisent le cuivre. En 2014, nous avons fait face à de grandes difficultés : les élus locaux nous ont alertés sur l'affaissement significatif de la qualité du réseau téléphonique. Certains de nos concitoyens se sont retrouvés sans réseau durant de trop longues périodes. Orange a pris des engagements et les travaux arrivent à leur phase finale. Nous publierons en mai un rapport de synthèse et ferons des préconisations pour préparer l'avenir. Une discussion aura lieu entre l'opérateur historique, ou d'autres candidats au service universel, et le Gouvernement pour définir les nouvelles règles applicables à partir de 2017 : l'objectif sera d'éviter d'ultérieures dégradations de la qualité.

Afin d'être au contact de la réalité, j'ai demandé à ce que tous les nouveaux agents recrutés par l'Arcep - soit une vingtaine par an - soient confrontés au terrain. Ainsi, chaque agent sera, à sa mesure, un représentant des territoires.

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