J'ai bien conscience que mon discours ne tranche pas avec ce que l'on vous répète depuis vingt ans. Cependant, il s'appuie sur les travaux que nous avons réalisés depuis un an, pour définir les différents chantiers.
La situation s'améliore-t-elle ? En réalité, oui. Dans le même temps, les usages progressent rapidement, de sorte qu'il est difficile de tenir le rythme, voire de le devancer. À cela s'ajoutent des effets pervers : alors qu'autrefois les téléphones mobiles ne servaient qu'à téléphoner, la multiplication de leurs fonctions fait qu'ils captent désormais moins bien dans le cadre d'un usage téléphonique.
La difficulté n'est pas de savoir ce qu'on peut mesurer, car ce n'est pas ce que l'on mesure qui définit l'obligation faite aux opérateurs. En matière de taille de fichier, nous nous demandions jusqu'à présent si nous pouvions télécharger une page web sur un téléphone en moins de 30 secondes ; nous allons passer à 10 secondes. Nous nous demandions s'il était possible de recevoir un SMS en moins de 2 minutes ; nous allons passer à 30 secondes. Si nous adaptons les chiffres aux usages, nous ne changeons en rien les licences des opérateurs. Ce que nous changeons, c'est ce que nous mesurons. À l'Arcep, nous croyons beaucoup en l'efficacité de la régulation par le data. Autrement dit, contrairement à ce qu'affirme M. Pointereau, mesurer résout une partie du problème.
Le TGV est un bon exemple. En effet, des problèmes techniques empêchent de garantir une couverture totale. En revanche, nous inciterons les opérateurs à couvrir les lignes de TGV en publiant à destination des clients une information comparative sur leurs performances respectives. Nous l'avons fait il y a un an dans le cadre des licences 700 mhz. Cela a conduit Orange à s'engager sur la couverture intégrale de la ligne Paris-Lyon en 4G. Mettre les sujets sur la table, c'est satisfaire nos concitoyens et inciter les opérateurs à investir plutôt que de faire la course à l'échalote sur les prix et les promotions. Voilà pourquoi nous avons fait de la régulation par le data un de nos axes stratégiques majeur.
En revanche, si l'on veut revenir sur la règle des 500 mètres de couverture obligatoire autour de la mairie, il faudra modifier les licences des opérateurs. Ces licences sont des contrats passés avec la Nation qui met ses fréquences à disposition des opérateurs en leur fixant des droits et des obligations. On ne pourra revenir dessus qu'au moment de leur renouvellement, en 2021.
Le programme des 800 sites sera ouvert aux outremers. L'Agence du numérique filtrera les demandes pour retenir les sites éligibles. Elle passera également un marché pour accompagner les collectivités qui le souhaitent dans le déploiement sur ces sites. Une fois que ceux-ci auront été définis, les opérateurs seront dans l'obligation de se raccorder à leur réseau. Cela figure dans la loi Macron, et nous y veillerons. Dans toutes ces zones, les infrastructures sont partagées et nous incitons les opérateurs à développer la mutualisation.
Les tarifs d'itinérance peuvent être très élevés lorsqu'on est en métropole avec un abonnement des DOM ou inversement. La question se pose aussi en Europe, notamment pour les frontaliers qui changent de réseau dès qu'ils passent la frontière. L'Europe a choisi de supprimer ces surcoûts d'itinérance à partir de la mi-2017. Cette suppression ne sera cependant pas totale, pour éviter le développement de « passagers clandestins », comme Apple qui prendrait une licence au Luxembourg et commercialiserait ensuite des abonnements dans toute l'Europe sans avoir à investir davantage... L'Europe travaille à définir un usage raisonnable et à organiser la relation entre les opérateurs. La loi sur la modernisation du droit de l'outremer, votée l'an dernier, proposait d'accélérer le calendrier d'un an. L'Arcep a rendu un avis négatif : on ne peut pas ouvrir les robinets sans tuyaux. En revanche, l'Europe prévoit une première diminution importante des tarifs d'itinérance au 1er mai prochain. La suppression totale de ces tarifs nuirait aux opérateurs ultramarins qui subiraient la concurrence directe des opérateurs de la métropole. Mieux vaut respecter le calendrier en deux temps.
Nous sommes conscients des décalages entre les départements qui se saisissent du programme très haut débit. L'Agence du numérique est là pour accompagner les élus. À l'Arcep, nous leur offrons le gîte et le couvert : le groupe d'échange entre l'Arcep, les collectivités territoriales et les opérateurs (Graco) fonctionne bien. L'Agence du numérique en use et en abuse pour transmettre ses messages, à notre plus grande satisfaction.
Il est tout à fait possible d'apporter l'Internet très haut débit à 100 % des foyers. Ils sont déjà couverts en cuivre. L'État a promis de les équiper en très haut débit, pas forcément en fibre optique, très coûteuse, mais en fixe. En revanche, on ne pourra jamais garantir le 100 % total pour le mobile. C'est du moins mon avis d'expert. S'il y a une volonté politique forte de couvrir les 36 000 communes, on pourra effectivement se rapprocher du 100 %, avec les conséquences économiques qui s'ensuivent.
Je répondrai par écrit à votre question sur les sanctions pécuniaires en cas de non couverture des réseaux. Idem au sujet de la couverture des immeubles en fibre optique. Ce sont les opérateurs qui financent cette couverture.
L'utilisation de la bande des 3,5 GHz est un sujet sensible. Depuis dix ans, certains territoires investissent dans le WiMAX. Ils doivent pouvoir recycler leur investissement pour passer à la technologie d'après. Nous voulons éviter les fausses promesses. Les équipementiers vantent les capacités extraordinaires des nouvelles fréquences. Nous en sommes à la troisième vague de technologies. Nous souhaitons qu'elles puissent être testées dans certains territoires, sans faire croire qu'il s'agit d'une solution miracle.
Nous partageons vos inquiétudes sur la commercialisation des RIP et la venue des opérateurs, et envisageons de mettre en place un observatoire pour mesurer l'engagement des opérateurs sur ces RIP.