Je ne reviendrai pas sur ce qui vient d'être dit s'agissant de la situation matérielle et morale des journalistes. Je remercie Mme Morin-Desailly de nous avoir sollicités. En 2013, lors des débats relatifs au projet de loi renforçant la protection du secret des sources des journalistes présenté par Mme Taubira, devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, les parlementaires nous avaient indiqué que le moment n'était pas alors venu de légiférer sur la protection du secret des sources, tandis qu'il l'est à présent. Je traduis d'ailleurs l'avis de la Confédération générale des cadres (CGC) et de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) car nous travaillons en intersyndicale sur cette question.
Journaliste de la presse quotidienne régionale, en Haute-Savoie, je sais que je m'adresse ici à des élus de terrain. D'ailleurs, si la question de la protection des sources est essentielle au niveau national, elle l'est également en région pour la presse départementale, et régionale, qu'elle soit quotidienne ou hebdomadaire, ainsi que pour les multiples radios et des télévisions locales. Dans de petites rédactions, assurer la protection les sources est une nécessité aussi cruciale qu'au plan national. Comme vient de le dire Emmanuel Vire, ce texte n'est pas sorti de nulle part et remonte à notre demande, en 2012, lors de la campagne présidentielle, d'améliorer le dispositif de la loi « Dati ». Nous avions alors rencontré l'ensemble des candidats pour attirer leur attention, à la suite de l'affaire des fadettes du Monde. Nous avions alors été entendu par François Hollande lequel, devenu Président de la République, a proposé une série de mesures qui n'a, en définitive, pas été présenté à l'Assemblée nationale.
Lors de la commémoration de l'assassinat de Jean Jaurès, nous sommes allés à l'Élysée demander que ce texte soit enfin mis en discussion et ne reste pas dans l'oubli où il était tombé en janvier 2014. Nous avons alors demandé audience à l'ensemble des groupes parlementaires de l'Assemblée nationale qui nous ont tous reçus, hormis le groupe socialiste. Notre démarche a donné lieu à une proposition de loi portée par les députés Marie-George Buffet, Noël Mamère, Christian Kert et Michel Pouzol. Ce texte, n'ayant pas alors été inscrit dans une niche parlementaire, vous est aujourd'hui soumis. La CFDT et les deux autres syndicats que je représente sont en complet accord sur la disposition relative à la protection du secret des sources.
Comment améliorer cette proposition de loi ? La protection des sources doit concerner l'ensemble de la chaîne rédactionnelle, à savoir l'ensemble des employés d'une rédaction, qu'ils disposent ou non d'une carte de presse, qui ont à connaître d'une information. Par ailleurs, si un juge des libertés autorise d'enfreindre le secret des sources, dans les circonstances visées par la loi, nous souhaitons que ceux dont les sources sont enfreintes puissent ester en justice. Seraient concernés non seulement les journalistes professionnels, les directeurs de rédaction, mais également l'ensemble des équipes rédactionnelles qui doivent être, à leur tour, reconnues par la loi.
Enfin, s'agissant des comités d'éthique et du rôle du CSA, nous partageons totalement le point de vue qui vous a été précédemment exposé. Il n'est en effet pas dans le rôle du CSA de réguler la déontologie des rédactions du secteur audiovisuel. Cette mesure constitue, à notre sens, une limitation indue, alors que le dispositif de la proposition de loi a le mérite de porter sur l'ensemble de la presse en généralisant les dispositions de la loi de 1881. Qu'il se créé des comités d'éthique dans les entreprises, pourquoi pas ? Quand on signe un contrat de travail, on accepte nécessairement le règlement intérieur de l'entreprise. Nous sommes favorables à la mise en place d'un observatoire, voire d'un organe qui traiterait de toutes les dérives professionnelles, ce que fait du reste l'Observatoire de la déontologie de l'information (ODI) dont nous avions eu l'idée dès 1997. Cette instance devrait intégrer des représentants de la société civile, à laquelle la CFDT est attachée, comme le rappelait notre secrétaire général Laurent Berger il y a deux jours. In fine, nous souhaitons, en améliorant la protection des sources, renforcer le pluralisme des médias et améliorer la qualité de l'information.