Intervention de Nicolas Jacobs

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 23 mars 2016 à 9h00
Déontologie des journalistes et indépendance des médias — Audition

Nicolas Jacobs, médiateur des rédactions de France 2, représentant le Cercle des médiateurs de la presse :

J'interviens au titre des clubs des médiateurs de la presse. Nous travaillons quotidiennement sur l'éthique. Les médiateurs, nommés par la hiérarchie de leur média, sont totalement indépendants. Leur fonction est d'assurer l'interface entre le public du média et le média lui-même. Dans cette prise en compte de la voix des lecteurs et du renforcement des liens qui peuvent exister entre un média et ses lecteurs, le rôle des médiateurs est capital.

Par ailleurs, les médiateurs sont les animateurs de la morale et de l'éthique de l'entreprise dans laquelle ils travaillent. Leur réflexion éthique se nourrit des échanges avec les lecteurs ou les téléspectateurs. Nous sommes une dizaine de médiateurs de presse en France. Souvent considérés comme des gêneurs par les directions, les médiateurs existent pourtant dans les médias de taille importante, comme au Monde, à TF1, France Télévisions, La Nouvelle République, Sud-Ouest ou encore La Montagne.

En tant que législateurs, il est logique que vous vous intéressiez au problème de l'indépendance de la presse et de l'honnêteté de l'information. Je voulais, à cet égard, soulever deux points. D'abord ces préoccupations ne sont pas nouvelles ; nombre de médias se sont déjà dotés d'instances traitant de l'éthique ou de la déontologie. Ainsi, France Télévisions a élaboré une charte très complète, qui constitue le règlement éthique de l'entreprise. Nous avons également une commission de déontologie, qui se réunit au moins deux fois par an et rassemble les partenaires sociaux, la direction de l'information, la direction des relations humaines, ainsi que les médiateurs. Cette instance fait le point sur l'exercice professionnel sous un angle éthique. Une commission de suivi de la charte se réunit également deux fois par an pour la faire évoluer au gré des évolutions dans la presse. Faut-il y rajouter une quelconque strate ? Je ne suis pas mandaté pour y répondre mais il est vrai que la presse connait actuellement des problèmes de structures de capital. Depuis quelques années, le capital se concentre dans les mains de quelques milliardaires, qui deviennent de fait incontournables et omnipotents. Faut-il agir ? Très probablement comme l'indiquent les exemples précédemment cités, à l'instar des rédactions ou des fabricants de programmes de Canal+ qui se sont retrouvés en butte avec leurs actionnaires. D'ailleurs, ceux-ci ne sont pas hypocrites et agissent brutalement au grand jour. Des conflits d'intérêt surviennent et entachent la liberté et l'honnêteté de l'information. Il faut certainement trouver un moyen de discipliner cette augmentation de capital, mais il ne faudrait pas que ces oligarques soient le chiffon rouge, qui cache une mise au pas de la presse en France. On ne peut pas réglementer dans le même texte la possession des médias, c'est-à-dire la composition de leur capital, et l'éthique ou la déontologie. Ce sont là deux questions différentes. Les deux textes, qu'il s'agisse de la proposition déposée par Patrick Bloche ou celle déposée par David Assouline, m'effraient quelque peu, tant ils pourraient conduire à une sorte d'amalgame susceptible d'entraîner une dérive. Corollairement - c'est là véritablement un souci et une opposition du Club des médiateurs -, on ne peut pas élargir les pouvoirs du CSA, comme la proposition de loi de M. Bloche le prévoit, en le rendant omnipotent en matière à la fois de régulation et de déontologie. Je ne parle pas de la situation du service public où le CSA régule, depuis l'attribution de fréquences, nomme les présidents directeurs généraux et aurait alors la haute main sur ce qui est de l'ordre de la pratique professionnelle. Voilà les points sur lesquels je voulais vous alerter.

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