Intervention de David Assouline

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 23 mars 2016 à 9h00
Déontologie des journalistes et indépendance des médias — Audition

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Ce sont des auditions importantes et l'énumération des différentes organisations et positions sur les sujets qu'elles connaissent créé tout de même un peu de confusion, car on mélange beaucoup de choses. Ainsi, de l'objectif de cette proposition de loi : est-il nécessaire de légiférer aujourd'hui sur l'indépendance et le pluralisme des médias ou est-ce que les législateurs que nous sommes, Patrick Bloche et moi, proposons un texte en dehors du champ des nécessités actuelles ? Je suis toujours étonné lorsque les actionnaires ou des propriétaires de l'audiovisuel public que nous auditionnons, nous rappellent que la situation est satisfaisante et cette proposition de loi mauvaise. Ils perçoivent cette dernière comme une forme d'ingérence et, d'un autre côté, lorsqu'on auditionne les représentants professionnels des journalistes, j'entends à peu près les mêmes arguments. J'ai pourtant l'impression, à l'aune de mon observation de ce secteur depuis plus d'une dizaine d'années, que leurs intérêts, leurs conflits, leurs façons de voir et leurs rapports de subordination nourrissent un conflit permanent, ce qui pose évidemment un problème.

Personne ici n'est venu souligner que l'objectif de ces propositions de loi est d'assurer l'indépendance des rédactions à la suite d'incidents concrets. Vous citiez le cas du groupe Bolloré, mais il y a également celui du Parisien, et je peux en énumérer encore beaucoup, qui sont liés au fait que la presse, dans un mouvement de concentration de plus en plus grand, est détenue par des propriétaires, qui n'ont souvent rien à voir avec le monde de l'information et vivent souvent de la commande publique. Ceux-ci exercent ainsi une pression sur le monde de l'information et les journalistes. Ce problème est d'ailleurs dénoncé par les journalistes que vous représentez. Notre texte est-il parfait ? Peut-être pas et, au Sénat, nous allons continuer à travailler.

Je rappellerai que j'ai déposé une proposition de loi anti-concentration capitalistique en 2009, une autre proposition de loi pour l'indépendance des rédactions en 2010, ainsi qu'un amendement, lors de la révision de la Constitution en 2008, qui consacre comme objectif à caractère constitutionnel l'indépendance, le pluralisme et la liberté des médias. Avec mon groupe, j'ai agi avec constance pour protéger les journalistes dans leur travail et leur indépendance. Il faut juger ce texte à l'aune de cet engagement dans la durée. Il a comme finalité de conforter. C'est plus compliqué à dire qu'à faire, y compris sur la protection des sources au sujet de laquelle il y a une mise en cause directe.

Les syndicats de journalistes se sont battus pour lever les obstacles créés par l'application de la loi dite « Dati ». Des volontés politiques se sont exprimées depuis 2012 et ont permis de débloquer les choses, que ce soit auprès des parlementaires ou de la nouvelle ministre de la culture et de la communication, pour réaliser ce qui a été promis. Les syndicats ont également oeuvré en ce sens. On peut ainsi aborder, sans outrance, le dispositif. Je connais bien la présidente du SNJ et j'ai entendu des propos très violents, comme si cette proposition de loi était attentatoire à la liberté des journalistes, alors qu'elle va exactement dans l'autre sens. S'il y a des dispositions à modifier, pour que les choses soient plus claires, on peut y travailler et s'écouter. Toutefois, si je suis l'auteur d'une proposition de loi, je n'en suis pas le rapporteur : je n'ai aucune prise sur les auditions, qui viennent étriller ce texte ! Il faudra que chacun prenne ses responsabilités car, de toute façon, une loi sera votée. S'il faut la retirer ou l'amender, dites-le ! Je pense que le législateur est dans le bon équilibre et défend l'intérêt général, lorsqu'il ne se fait pas l'interprète de revendications catégorielles.

La proposition de loi ne modifie pas les missions du CSA, à aucun moment. L'introduction de la notion de programme répond au cas concret d'une émission mettant en cause les intérêts de partenaires du propriétaire, en l'occurrence le groupe Bolloré, déprogrammée de Canal+ et diffusée par France Télévisions. Heureusement qu'il y a un service public ! Les victimes sont des journalistes qui ne sont pas directement liés aux rédactions de Canal+, mais qui ont contractualisé avec cette chaîne, via une société de production. Si cette extension au programme est mal libellée, il faut sans doute travailler ensemble à une meilleure rédaction, mais il ne faut pas détourner l'intention du législateur. Bien que je ne sois pas rapporteur, ce qui est une anomalie absolue, je ne sens tout de même investi par cette mission. La compétence du CSA, comme je le disais auparavant à Olivier Schrameck, concerne l'audiovisuel. Aussi, je compte proposer une rédaction, y compris de mon propre texte, qui ne sépare pas les types de médias, mais permet d'unifier la presse avec un statut juridique des rédactions soumis à des règles générales valables pour toute la profession.

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