Intervention de Emmanuel Vire

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 23 mars 2016 à 9h00
Déontologie des journalistes et indépendance des médias — Audition

Emmanuel Vire, secrétaire général du Syndicat national des journalistes (SNJ-CGT) :

J'apporterai une correction à ce que vient de déclarer Dominique Pradalié. Il me semble que le législateur a adopté une loi sur la représentativité en entreprise. Ainsi, si le SNJ pèse 39 % des voix lors des élections professionnelles, le SNJ-CGT en représente 25 % et la CFDT 17 %. Il s'agit là du seul test de représentativité ; les élections à la commission de la carte de presse sont une autre chose. En juin 2015, moins de 30 % des journalistes ont voté à cette élection, ce qui n'est pas le cas pour les élections professionnelles au sein des entreprises.

La nature du métier de journaliste ne change pas avec les nouveaux supports que sont le numérique et la digitalisation. Mais les conditions de l'exercice de ce métier se modifient en revanche quand les rédactions se dépeuplent et que des journalistes deviennent polyvalents. Les journalistes sont désormais assaillis de tâches diverses et variées qui viennent se surajouter au coeur du métier.

Le SNJ-CGT n'est pas membre de l'ODI. Nous pensons qu'un conseil de presse n'aurait pas d'utilité, faute de la reconnaissance juridique des équipes rédactionnelles et d'une charte de déontologie adossée à la convention collective, qui pourrait alors être rendue opposable à nos employeurs. Si nous sommes ici aujourd'hui et qu'une loi est en préparation, c'est bien que la profession n'arrive pas à se mettre d'accord sur ces thèmes. Cela fait des années qu'on en parle ! Les États généraux de la presse qu'avait organisés l'ancien président de la République avaient abouti à la création de la commission Frappat pour que la profession, c'est-à-dire les employeurs et les syndicats, élaborent une charte commune. Il leur a été impossible de s'entendre sur ce point ! M. Assouline nous provoque quelque peu en soulignant que notre position est la même que celle de nos actionnaires, ce n'est pas évidemment le cas. Nous avons affaire à des employeurs totalement balkanisés. Rien que pour la presse écrite, il existe au moins six syndicats d'employeurs : les syndicats de la presse magazine, de la presse nationale, de la presse régionale, de la presse quotidienne départementale, ou encore de la presse quotidienne régionale ou encore spécialisée. Imaginez ce que ces syndicats représentent ! Qui plus est, tous ces syndicats ne sont pas membres du MEDEF, ce qui pose des problèmes pour l'application des accords auxquels certains dérogent. Nous ne parvenons pas à nous entendre. À cela s'ajoute le thème de la concentration, qui aboutit à ce que l'ancien patron du Crédit mutuel, Michel Lucas, se soit accaparé l'ensemble des titres de la presse de l'Est de la France. Or, celui-ci a quitté le syndicat de la presse quotidienne régionale. Que représente dès lors ce syndicat ? Que représente également le syndicat de la presse magazine, lorsque deux des fleurons de ce syndicat, à savoir les groupes Mondadori, propriété de Silvio Berlusconi, et Lagardère, ne participent plus à ses travaux ou sont en train de les quitter ?

Il n'y a plus de paritarisme, ce qui conduit à une coupure hallucinante entre l'audiovisuel et la presse écrite. J'ai combattu la loi sur la formation professionnelle proposée par le Gouvernement, suite à un accord conclu par certains partenaires sociaux que n'avait, du reste, pas signé la CGT. Pensez-vous qu'on va négocier un accord professionnel concernant l'ensemble des journalistes, qu'ils soient du secteur audiovisuel ou de la presse écrite ? Une telle démarche n'aboutit même pas pour l'ensemble de la presse écrite ! Seul le syndicat de la presse quotidienne régionale a accepté de négocier un accord sur la formation professionnelle. Il n'y a manifestement pas de dialogue social dans la profession, ce que j'impute aux actionnaires.

On a besoin de légiférer afin d'éviter les scandales évoqués notamment par M. Laurent. Les aides à la presse sont également un autre scandale et il faudra bien un jour les remettre en cause. Je sais qu'une réforme est en cours et qu'il est prévu de classer l'ensemble des parutions de la presse magazine en trois catégories. Il est normal d'aider la presse d'information politique et générale, j'y souscris totalement, mais est-ce normal qu'une personne comme Serge Dassault, via Le Figaro, reçoive 15 millions d'euros d'aides directes par an et ce, même s'il possède un titre d'information politique et générale ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion