Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 24 mars 2016 à 14h30
Économie bleue — Articles additionnels après l'article 12 ter

Alain Vidalies, secrétaire d'État :

… ou aux prescriptions de la loi, monsieur le sénateur. Vous estimez donc qu’il serait plus simple de modifier cette dernière.

Pourquoi le décret ne correspond-il pas à ce qui avait été envisagé lors des débats législatifs ? C’est la première question, d’ailleurs tout à fait légitime. J’y répondrai en indiquant que, lors de l’élaboration du décret, nous nous sommes heurtés à une difficulté, sur laquelle nous avons été alertés, à savoir le nécessaire respect du principe européen de proportionnalité.

Dès lors que, d’une certaine façon, la loi visait à protéger le pavillon français, nous prenions un risque qui nous exposait à de grandes difficultés. C’est pourquoi nous avons expliqué, dans un premier temps, et sans donner davantage de précisions, que le décret respecterait certes ce principe de proportionnalité, mais que nous souhaitions la mise en œuvre d’un contrat type entre les parties – les armateurs et les assujettis –, qui réponde aux attentes des uns et des autres. Tout le monde a été informé de cette démarche.

À ce jour, la mise en œuvre ne répond pas à nos souhaits : le décret est paru, mais la négociation du contrat type ne progresse pas. Je le dis très clairement, car chacun doit faire face à ses responsabilités. Pour ma part, j’ai indiqué à plusieurs reprises quelle était ma position ; il faut aussi, lorsque l’on décide de faire confiance au dispositif contractuel, pouvoir compter sur ses parties prenantes !

Cela dit, faut-il, à ce stade, modifier la loi et quelles seraient les conséquences des modifications ici proposées ? C’est une autre question. En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout de même attirer votre attention sur ce qu’entraînerait l’adoption de l’un de ces amendements.

Les textes d’application récemment publiés exigent une mise en œuvre rapide et sans modification des dispositions législatives qui les fondent, sous peine d’interrompre la sécurité d’approvisionnement en hydrocarbures dès le mois de juillet 2016.

Avec l’appui d’une mission diligentée par l’État, les parties intéressées – armateurs et assujettis – commencent à s’organiser. Je viens de le préciser, je juge moi-même qu’ils auraient dû travailler plus vite et qu’ils devraient travailler plus vite à l’avenir.

En obligeant chaque assujetti à recourir à des navires de transport de produits raffinés et à des navires de transport de pétrole brut dans le cadre des contrats de couverture, ces amendements tendent à alourdir les obligations déjà prévues par le code de l’énergie.

En outre, leur adoption créerait une inégalité : les assujettis qui recourent aux contrats de couverture mutualisés se verraient soumis à des sujétions, par ailleurs non appliquées à ceux qui, comme les raffineurs, recourent à l’affrètement pour couvrir leurs obligations dans ce domaine. Cette différence de traitement n’est pas justifiée au regard des exigences relatives à la sécurité des approvisionnements.

Enfin, en rendant obligatoire la présence, dans chaque contrat, de navires-transporteurs de pétrole brut et de navires-transporteurs de produits raffinés, on donnerait un avantage aux entreprises disposant d’une flotte comportant ces deux types de navires, au détriment de celles qui ne possèdent qu’un seul type. Ces dernières seraient alors obligées de s’entendre avec d’autres entreprises pour passer le contrat. Ainsi, on orienterait le dispositif vers certaines entreprises, aujourd'hui en nombre réduit, d’où le problème juridique que j’évoquais précédemment.

J’ajoute que la sécurité des approvisionnements exige seulement un accès aux principaux ports français, et non à chacun d’entre eux. Ces amendements sont donc de nature à rendre le dispositif disproportionné par rapport aux objectifs. En cela – c’est toujours la même chose –, leur adoption le fragiliserait sur un plan juridique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut mesurer les conséquences des mesures proposées ici. La loi qui a été votée crée de nouveaux assujettis. De qui s’agit-il ? De la grande distribution ! Que chacun se rende compte qu’en modifiant la loi au travers de ces amendements, on préserverait la grande distribution d’avoir, dès le mois de juillet prochain, l’obligation de participer !

Par conséquent, je comprends les objectifs que l’on cherche à atteindre, mais la réponse n’est pas la bonne. Celle-ci se trouve, évidemment, dans le texte réglementaire.

Peut-être avons-nous, en nous fondant sur les arguments juridiques précédemment évoqués, laissé trop d’espace à la négociation et à la démarche contractuelle. Mais sachez que le Gouvernement restera très attentif au respect des objectifs généraux fixés dans la loi, à savoir, outre la capacité de transport, la préservation des compétences professionnelles dont la filière a impérativement besoin.

Si le contrat type ne répond pas à ses attentes, le Gouvernement procédera par voie réglementaire pour garantir une modulation des obligations entre transport de pétrole brut et transport de produits raffinés, via un arrêté qui pourra être très rapidement pris en cas de non atteinte des objectifs par la voie contractuelle.

Je pense que cet engagement, qui répond aux attentes des auteurs des amendements, apporte beaucoup plus de sécurité sur le plan juridique. S’il me permet de répondre aux préoccupations exprimées dans le cadre de cette discussion, il me permet également d’adresser un message à ceux qui, maintenant, doivent prendre des décisions : soit le processus contractuel envisagé aboutit, soit je prendrai cet arrêté, qui ira dans le sens de vos demandes, mesdames, messieurs les sénateurs.

Par conséquent, un, nous risquons de créer une insécurité juridique majeure ; deux, une modification de la loi nous mettrait devant une difficulté dont j’ignore l’issue, mais qui, dans tous les cas, bénéficierait temporairement à la grande distribution.

Pour ces raisons, je demande le retrait de l’ensemble de ces amendements, faute de quoi mon avis sera défavorable.

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