Je vous remercie pour cette introduction. Nous travaillons depuis plusieurs mois sur les conséquences des baisses de dotations aux collectivités territoriales. Il s'agit d'un tel prélèvement qu'il nous semblait utile d'analyser ses effets sur chaque strate de collectivité territoriale. Nous approchons de 2017, et la réforme de la DGF est en cours : nous n'avons pas cru pouvoir faire abstraction de ce changement. La situation devient de plus en plus difficile pour les collectivités territoriales, avec parfois des cas dramatiques de communes en grande difficulté, souvent - mais pas uniquement - en zone rurale. Certains maires se trouvent désarmés face à l'effet de ciseau.
Quelle méthode avons-nous suivie ? Il nous a paru difficile de travailler à l'aveugle sur des propositions ou des solutions en faisant abstraction du débat sur la DGF. Cela n'aurait pas été logique, et surtout n'aurait pas été compris par les élus locaux qui étaient intéressés en premier lieu par les simulations liées aux impacts de la réforme. Nous avons donc demandé au cabinet Klopfer de regarder avec attention aussi bien les apports intéressants que les perspectives inquiétantes de cette réforme.
Alors que les simulations de la DGCL - que nous n'avons obtenues qu'à force de persévérance - s'arrêtaient parfois, dans un premier temps, à l'année 2016, nous avons souhaité que celles du cabinet Klopfer aillent jusqu'en 2019, afin d'avoir une meilleure visibilité sur l'impact à moyen terme de la réforme, et qu'elles puissent présenter également une vision sur le long terme avec le lissage dans le temps qui a pour conséquence que certaines collectivités se retrouvent coincées dans un tunnel de baisse ou de hausse des dotations pendant plus de vingt ans - parfois jusqu'à 45 ans.
Un récent sondage publié par le Courrier des maires montre que les élus locaux sont 47 % à souhaiter une simplification de l'architecture de la DGF, 38 % à demander que la péréquation soit renforcée en faveur des territoires les moins riches, 36 % à estimer qu'il faut renforcer la prise en compte du revenu par habitant comme clé de répartition, 28 % à désirer que soient mieux favorisés les territoires ruraux, 26 % à réclamer la fin des effets de seuil, et 21 % à penser qu'il faut favoriser les collectivités concernées par la politique de la ville.
L'étude du cabinet Klopfer et nos auditions ont montré qu'une partie de la réforme proposée allait dans le bon sens par rapport à ces souhaits des élus : l'architecture de la DGF était simplifiée, la réforme supprimait ou lissait les effets de seuil et renforçait certains effets péréquateurs.
Toutefois, elle ne répondait pas à d'autres inquiétudes formulées par les élus et, notamment, n'offrait pas toutes les garanties de soutenabilité permettant aux collectivités de faire face à la baisse des dotations. Dans certains cas, elle aurait pu aboutir à des situations difficiles. Ainsi, les communes rurales de moins de 500 habitants pouvaient parfois être perdantes sur le long terme, réalité que les simulations à court terme ne décelaient pas. Les territoires multipolaires - pourtant nombreux - n'étaient pas pris en compte par une dotation de centralité siphonnée par la commune la plus peuplée, qui n'est d'ailleurs pas forcément celle qui supporte les charges de centralité. Pensez à ces communes résidentielles en banlieue de centres urbains peu peuplés. La réforme ne proposait aucune augmentation notable de la prise en compte du revenu par habitant comme clé de répartition. Les collectivités urbaines ne voyaient pas forcément leur politique de la ville récompensée, puisque le stock de dotation de solidarité urbaine (DSU) était toujours figé et le logement social, peu reconnu. Si l'effet péréquateur existait, il était réparti de manière inégale en fonction des collectivités. Aucune étude d'impact n'avait été réalisée afin de vérifier la soutenabilité de la réforme pour les communes les plus défavorisées. Il serait bon de faire un rapport sur ces études d'impact... Enfin, le lissage dans le temps, bien compréhensible, semblait parfois excessivement long puisque certaines collectivités pouvaient rester dans le tunnel pendant 45 ans.
Nous militons tous pour une réforme de la DGF. Pour l'heure, elle compense davantage les ressources passées que les charges actuelles des communes et des intercommunalités. Et sa réforme est devenue d'autant plus urgente que la répartition de la contribution au redressement des comptes publics ponctionne considérablement les budgets des collectivités, sans prendre en compte leur potentiel fiscal, en s'effectuant uniquement sur les recettes réelles de fonctionnement pour le bloc communal.
Toutefois, nous nous sommes opposés à la réforme qui nous était proposée. S'il doit y avoir un effort contributif au redressement des comptes publics, celui-ci doit être équilibré, justifié et partagé. Une réforme d'ensemble devra être concertée, équitable et soutenable. La concertation doit avoir lieu avec l'ensemble des parlementaires et notamment avec le Sénat, qui représente tous les territoires, comme l'indique la Constitution. Si la concertation inclut nécessairement les associations d'élus, celles-ci auront forcément tendance - volontairement ou involontairement - à défendre leur strate de collectivités territoriales. C'est leur rôle et c'est normal. En revanche, en tant que Haute Assemblée représentant l'ensemble des territoires de la République, nous avons une approche plus globale des problématiques affectant nos territoires, qu'ils soient urbains ou ruraux, communaux, intercommunaux, départementaux ou régionaux. Je me réjouis à ce titre de la volonté annoncée du Gouvernement de nous associer pleinement aux prochains débats.
- Présidence de M. Jacques Mézard, vice-président -