L’article 4 quinquies conduit à accroître la responsabilité pénale des fabricants de moyens de chiffrement qui refuseraient de répondre aux réquisitions de la justice en augmentant les sanctions pécuniaires encourues par les personnes morales commettant ces infractions introduites dans notre droit en 2001.
Hier matin, lors d’une réunion consacrée au prochain projet de loi sur le numérique, la secrétaire d'État chargée de ce dossier nous indiquait que les opérateurs collaborent très bien avec les services de l’État lorsque ceux-ci en font la demande. À ma connaissance, la sanction pénale ainsi visée n’a jamais eu à être exécutée.
Dès lors, ce qui est réellement en jeu ici, c’est une tendance du législateur à accroître les sanctions pénales, afin de proposer un remède à la problématique difficile à laquelle nous sommes confrontés. Cependant, comme le souligne le directeur de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, en matière de chiffrement, il faut se méfier de la tentation de céder à la facilité. Loin de moi l’idée de verser dans une forme d’angélisme. Utiliser à mauvais escient le chiffrement rend plus difficile le travail des autorités publiques.
Pour autant, ce débat n’est pas nouveau. Comme tout objet technique, le chiffrement est tout à la fois remède et poison, selon qu’il tombe entre de bonnes ou de mauvaises mains. Mais il serait dangereux d’envisager son interdiction ou sa limitation, ce qui revient sensiblement au même, au motif qu’il peut être utilisé par des personnes mal intentionnées, car cela reviendrait à affaiblir la sécurisation de l’ensemble du réseau.
Pour les citoyens, le chiffrement rend possible l’exercice par chacun du droit au respect de sa vie privée. C’est un outil majeur au service de la confiance dans le développement du numérique. Il permet des communications sécurisées et réduit le risque de vol de données personnelles ou bancaires. Il protège des milliards d’individus chaque jour, contre une quantité innombrable de menaces.
Pour les entreprises, le chiffrement constitue le meilleur rempart contre l’espionnage économique. C’est un atout indispensable pour qui souhaite protéger ses actifs immatériels des ingérences extérieures.
Pour l’État, il s’agit tout simplement d’une condition de sa souveraineté.
Le chiffrement est avant tout un levier de sécurité essentiel dans l’environnement numérique, dont les citoyens, les acteurs économiques, la société dans son ensemble, tirent des bénéfices considérables. Il nous serait extrêmement préjudiciable de l’affaiblir, dans une forme de précipitation issue du contexte dramatique qui nous ébranle.
Si nous devions légiférer pour mieux encadrer le chiffrement, ou pour répondre à certaines des problématiques qu’il pose, il nous faudrait prendre le temps d’une compréhension réelle de ces enjeux.
Je demande donc la suppression de cet article, afin qu’il nous soit permis de traiter ce sujet au cours d’un prochain débat, plus mûri, plus informé et plus apaisé.