Intervention de Josette Durrieu

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 30 mars 2016 à 9h35
Turquie — Audition de Mme Dorothée Schmid chercheur à l'institut français des relations internationales - ifri et de M. Didier Billion directeur adjoint de l'institut de relations internationales et stratégiques

Photo de Josette DurrieuJosette Durrieu :

Je crois bien connaître la Turquie, pour avoir suivi ce pays pour le Conseil de l'Europe pendant cinq ans et m'être rendue en Turquie à de nombreuses reprises depuis 2002, et je ne suis pas d'accord avec l'analyse développée sur plusieurs points.

Est-il difficile d'obtenir de l'information en Turquie ? Non. Je suis rentrée dans toutes les prisons, j'ai vu tous les généraux, j'ai vu les journalistes. J'ai pu rencontrer le chef d'état-major des armées turc. La seule chose que je n'ai pas réussi à faire, c'est aller voir Ocalan sur son île.

Il y a une forte culture démocratique dans le pays, une culture de la laïcité, et un respect de l'Etat. Pour cette raison, je crois que les Turcs n'accepteront jamais un régime présidentiel. Le peuple n'en veut pas et Erdogan s'en est rendu compte.

Vous avez dit à juste titre que l'opposition était faible. Mais il s'opère une diversification politique au détriment des nationalistes. Le paysage politique se compose dans l'ordre d'importance de l'AKP, du CHP des anciens kémalistes, du HDP des Kurdes et, seulement en quatrième position, des nationalistes, qui reculent.

La Turquie reste une puissance majeure. Il faudra considérer qu'elle peut avoir un rôle géopolitique, y compris pour l'Europe.

Vous n'avez pas parlé de la confrérie Gülen. C'est tout de même le premier adversaire de l'AKP, adversaire qui a formé des générations de policiers et de juristes. L'imam Fethullah Gülen vit aux Etats-Unis mais exerce une influence majeure.

En définitive, la société turque me semble être une société en ébullition. Le premier problème de la Turquie, c'est Erdogan. La deuxième question qui se pose, c'est la question kurde. Je crois que les autorités turques ont un temps réellement voulu résoudre le problème kurde. Ils ont réussi sur 80 % des points, mais ont achoppé sur celui de la définition du citoyen : pour le pouvoir, le citoyen est le Turc, pour les Kurdes, c'est le citoyen de Turquie. Le troisième problème, c'est la Russie. La situation est tendue. Certains observateurs observent une stratégie de reconquête de Constantinople par l'Eglise orthodoxe russe. Dans ces conditions, comment mener des négociations ? Concernant les réfugiés, il faut reconnaître que les Turcs ont fait un effort maximum. Les camps de réfugiés sont devenus une vitrine pour Erdogan.

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