Malgré une certaine mise en scène, les réfugiés présents dans les camps ne représentent que 10 % de l'ensemble, leur situation n'est donc pas représentative de la situation des réfugiés en Turquie. Les droits des réfugiés en matière d'intégration à la société turque sont extrêmement limités, le gouvernement turc n'ayant eu jusqu'à présent aucune politique à leur égard, se contentant de laisser faire. Néanmoins, il est en train de réaliser la difficulté que va représenter la gestion de ces trois millions de réfugiés syriens. La tentation existe de les renvoyer en Syrie ou de contenir leurs arrivées depuis ce pays, comme l'ont illustré la fermeture de la frontière lors des opérations militaires russes autour d'Alep dans le nord de la Syrie et l'envoi par la Turquie d'organisations visant à construire des camps de réfugiés sur le territoire syrien. La question des réfugiés implique aussi des négociations compliquées avec l'Union européenne, chacune des parties ayant beaucoup à perdre dans cette affaire. Mais au-delà de la Turquie, il importe de prendre en compte les déséquilibres politiques que la présence de ces réfugiés syriens ne manquera pas de susciter dans des pays tels que la Jordanie, le Liban mais aussi l'Irak.
Concernant la presse, des pressions économiques ont effectivement été exercées, mais dans le même temps, les grands groupes de presse doivent aussi tenir leurs comptes à jour. Il faut également évoquer la politique de rachat des grands journaux par des communautés proches de l'AKP. Par ailleurs, il y a la vindicte personnelle du président contre la presse et les éditorialistes, que traduisent les quelque 2000 procès en cours pour insultes contre Erdogan, les menaces de mort ou les mises à pied de journalistes, les directeurs de grands journaux estimant qu'ils ne sont plus en mesure de travailler. Enfin, le siège du journal Hürriyet à Istanbul a été attaqué à deux reprises par des militants de l'AKP, dirigé par un député de ce mouvement, la réaction tardive du régime à ces attaques étant particulièrement préoccupante.
La disparition de Gülen est considérée comme acquise en Turquie, les opérations de « nettoyage » menées depuis 2013, dont la dernière a été la mise sous séquestre de Zaman, ayant été très efficaces.
Concernant l'économie, les entreprises françaises sont très préoccupées de l'évolution de la gouvernance en Turquie, du niveau de corruption et de clientélisme, ainsi que de la complexité du discours économique. L'annonce récente d'une augmentation incontrôlée du salaire minimum risque notamment de mettre à mal la situation des grandes industries qui se sont installées en Turquie.
Enfin, sur la question kurde, qui a une importante répercussion régionale, on assiste à une même logique d'autonomisation dans les trois pays où les Kurdes sont présents : ce mouvement est quasiment parvenu à son terme en Irak où un nouveau referendum est envisagé au profit du Kurdistan ; si les kurdes irakiens n'ont pas forcément intérêt à l'indépendance, celle-ci pourrait leur échoir par défaut, comme résultat des conditions régionales. En Syrie, il s'agit, après la sécurisation du territoire kurde par des opérations de « nettoyage ethnique » et un renforcement de la mainmise du PYD, d'obtenir par la négociation une redistribution des cartes et une fédéralisation du pays, le Kurdistan syrien, soutenu par les Russes, devenant un conflit gelé ; bénéficiant de l'appui de la Russie tout en restant en bons termes avec les Etats-Unis, le PYD a ainsi obtenu de nombreuses victoires politiques ; enfin en Turquie, où les kurdes étaient légitimistes, la question est de savoir si le clivage lié aux opérations de sécurité à l'est va conduire à détacher définitivement de l'Etat turc toute une partie de la communauté kurde.