Intervention de Alain Parant

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 18 février 2016 : 1ère réunion
Audition d'alain parant démographe conseiller scientifique de futuribles international

Alain Parant, démographe, conseiller scientifique de Futuribles international :

Si la crise en Espagne, en Italie et en Grèce a effectivement eu un effet sur le taux de fécondité, notamment des plus jeunes adultes, cet effet est très récent, il remonte à la période 2012-2014. La fécondité en Espagne et Italie a baissé plus tardivement qu'ailleurs, au milieu des années soixante-dix, mais est descendue à 1,3 ou 1,4 enfant en moyenne par femme dès les années quatre-vingt-dix.

Le taux élevé de fécondité observé en France ne s'explique pas uniquement par la politique familiale. L'Allemagne ou la Suède mènent aujourd'hui une politique familiale beaucoup plus combative, en termes de rémunération du congé parental par exemple. Pourtant, la fécondité ne suit pas. La Suède s'est décidée à agir en 1986, quand elle s'est retrouvée au point bas de 1,5 enfant en moyenne par femme. En 1991, elle était remontée à 2,1. Ce n'était qu'un effet d'aubaine. La fécondité est ensuite redescendue. L'exemple suédois est utile pour montrer qu'il existe des niveaux de fécondité durablement hors d'atteinte pour les pays les plus développés.

Le vrai problème, en Espagne, était le manque de logements. On pouvait y avoir des enfants même en étant dans une situation de dépendance à l'égard de ses propres parents à la seule condition de ne pas vivre sous le même toit qu'eux. Il fallait donc des logements et ce n'est pas un hasard si c'est en Espagne que la crise des subprimes a produit ses plus graves effets. Les jeunes qui avaient contracté un emprunt pour se loger se sont retrouvés dans l'incapacité de le rembourser au moment de la crise économique.

En Italie, vous pouviez avoir des enfants même si vous n'aviez pas de logement mais à la condition d'être marié. La situation a ensuite évolué.

La France a-t-elle encore une politique familiale ? On peut en discuter. Le niveau relativement élevé de la fécondité s'explique par deux phénomènes. D'une part, les droits des enfants naturels et des enfants légitimes sont quasi identiques depuis une trentaine d'années ; or la part des naissances hors mariage atteint 60 %. D'autre part, on compte peu de femmes infécondes, de l'ordre de 12 % à 13 %. En Allemagne, aux Pays-Bas, en Suisse, ce pourcentage monte à 20 %-22 %.

L'immigration est intégrée dans les calculs. Dans les projections que j'ai évoquées pour la France, on retient le nombre de 150 000 entrées nettes dans la variante du vieillissement minimal. Les projections d'Eurostat sur lesquelles je me suis appuyé pour mettre en évidence les effets propres du vieillissement démographique prennent également en compte le facteur migratoire, à un niveau élevé, mais inférieur à celui qui est actuellement observé. Or je pense que l'ampleur du phénomène migratoire, au-delà même de la question des réfugiés, sera bien plus importante car l'Afrique est dans une impasse démographique totale.

La population de ce continent a été multipliée par quatre entre 1950 et 2015. Elle est de un milliard aujourd'hui et pourrait encore quadrupler d'ici à la fin du siècle. Comme l'a montré la Banque mondiale dans son dernier rapport, la croissance y est encore très faible, car assise sur les matières premières et peu sur les produits manufacturés, et toujours fortement dépendante des importations. Sans compter les problèmes de gouvernance et une fécondité qui repart à la hausse. Les schémas imaginés en s'appuyant sur les évolutions passées de l'Asie et de l'Amérique latine ne valent pas pour l'Afrique. Le taux d'alphabétisation des femmes y est relativement plus faible, les pratiques contraceptives efficaces peu répandues pour des raisons essentiellement cultuelles, d'ailleurs. Ce continent est en outre à l'écart de la division internationale du travail.

Le rythme de croissance de la population africaine n'a pas d'équivalent dans le passé. Deux hypothèses sont envisageables : un regain de la mortalité ; ou une émigration massive, mais vers où ? Les projections d'Eurostat n'intègrent pas ce scénario de l'impasse démographique africaine. Il n'en demeure pas moins que le facteur migratoire est pris en compte.

Pour la France, j'ai mentionné les travaux de Michèle Tribalat : elle estimait en 2011 la population d'origine étrangère (immigrés plus première génération née en France) à 12,3 millions (sur les quelque 63 millions d'habitants Français métropolitains), compte tenu notamment de la forte vague d'immigration observée dans les années deux mille. La question clé reste celle de l'intégration des personnes immigrées et de leurs descendants dans un contexte de marché du travail aussi restreint. C'est un problème auquel, pour le moment, l'Allemagne n'est pas confrontée.

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